Une importante rencontre.

C’était au début de l’été 1977. Je ne me souviens plus du nom du bateau qui assurait cette nuit là, la liaison entre Toulon et Bastia mais je sais que j’étais en quatrième classe. Le pont avec des chaises longues en guise de couchettes. Mais peu importait le confort. Partir au village pour deux longs mois de vacances, valait bien une nuit blanche.

Au milieu du pont, je me suis trouvé installé tout proche de quelques jeunes gens qui n’ont pas tardé à sortir les guitares et à chanter en langue corse. Et ils chantaient et jouaient fort bien. Autour d’eux, une assemblée n’a pas tardé à se former. Des touristes pour la plupart et de mémoire, beaucoup d’allemands qui applaudissaient.

Le groupe m’a vite semblé agacé par ce succès et, peut-être que je me trompe, par le fait que leur public n’était pas celui qu’il désirait. Ils ont rangé les guitares.

Je suis allé sur le pont où j’ai entamé la conversation avec un homme plus âgé qui accompagnait les chanteurs et musiciens. Il m’a demandé d’où je venais, où j’allais et di quale era..de qui j’étais.. les traditionnelles questions lorsque deux insulaires se rencontrent. Puis, il a souhaité savoir si je parlais le corse. Je lui ai répondu que je le comprenais mais que je n’osais pas le parler car tout le monde se moquait de mon accent. Ahè, seria megliu di parlà in francese chi di struppià u corsu.. Il m’a avec beaucoup de gentillesse, et ce pendant toute la traversée, expliqué que les erreurs importaient peu. Que la langue ne devait pas mourir et qu’il fallait que je persévère en oubliant les moqueries. Une nuit entière au bastingage à parler corse, à écouter les explications de cet homme rejoint par son fils, à comprendre grâce à lui, que j’étais à ma façon un passeur de mémoire. Je lui ai dit au-revoir au matin en arrivant à Bastia sans savoir qui il était.

Ce n’est que bien plus tard, en lisant une nécrologie dans le journal, que j’ai découvert que mon compagnon de voyage était Jules Bernardini, poète et chanteur de Tagliu-Isolaccia et père de Ghjuvan-Francescu et Alanu Bernardini.. I Muvrini.. Ils ont bien changé (et tant mieux!) car ils chantent désormais pour tout le monde en se faisant les magnifiques ambassadeurs de notre langue

. Ghjuliu Bernadini in memoria..

M. Jules Bernardini, je ne l’ai jamais oublié. La preuve.. 36 ans plus tard, je luis dédie mon premier article. Il m’a montré l’importance de maintenir la langue et donné l’envie et le courage de progresser sans gêne ou honte.  A ringraziavi.

 
Ghjuliu Bernadini in memoria..

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

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