Lettre ouverte à un imbécile.

Il ne lira pas ce billet. Pourtant je lui dédie. A celui qui cet été, a mis le feu à Candela. Je ne sais pas qui il est. Touriste imprudent, chasseur voulant nettoyer le maquis, être malade ou méchant. Quelle importance.
J’ai connu des gens qui avaient mis le feu. Des bergers voulant faire de la pâture sur brulis, villageois préparant un poste pour la battue en brûlant des ronciers et même des gamins assez perturbés pour allumer le feu tout près du village.
Dans la plupart des cas, le feu leur échappait comme une créature néfaste à qui on donne naissance et qui vous fuit en vivant sa propre vie. J’ai vu celui qui avait failli incendier la vallée courir comme un fou quand il a vu que le vent poussait le brasier plus loin que sa parcelle et sautait la rivière. Je connais celui qui pour le confort de ses vaches a fait monter en fumée la haute vallée de Bocca Bianca. Pendant des jours, un nuage noir a couvert les montagnes. Pas de canadair à l’époque. Le feu s’est arrêté quand il l’a voulu. Je sais qu’il regrette car détruire la forêt n’était pas son but. Mais c’est ce qu’il a fait.
Je voudrais dire ma souffrance quand je remonte la rivière et que je vois les arbres noircis pareils à des squelettes, des reproches vivants pour la bêtise des hommes. De certains en tous cas.
Ma mère me racontait que son père (ce qui nous place au 19ème siècle) lui expliquait qu’on pouvait marcher à l’adret, des Force au Mansu sans voir le soleil car la forêt de chênes était épaisse. Il n’en reste rien. Les chênes ont brûlé. Le maquis haut est venu et puis il a brûlé à son tour laissant place au maquis bas puis après un dernier incendie, c’est le lavandin qui est venu sur une terre appauvrie et emportée par les pluies d’automne.
J’aime profondément le Filosorma parce que mes racines s’y trouvent mais aussi parce que l’endroit est beau. D’une beauté sauvage et triste comme le sont toutes les choses éphémères. Quelques secondes d’inattention ou de bêtise assumée et ce sont des siècles qui disparaissent. Il ne restera bientôt que le souvenir des forêts mortes.
Est-ce que celui qui fait ça a conscience de l’endroit qu’il saccage ?
La rivière et la vallée du Fango font partie d’un site Natura 2000 et de l’une des douze réserves de biosphère de France. On y trouve, pour combien de temps encore, une des plus belles forêts de chênes vert d’Europe, des pins laricio et une faune endémique remarquable. Sittelles, mésanges, gypaète, mouflon, crapauds, lézards…
Comment se mettre dans la tête de quelqu’un capable de détruire tant de choses par bêtise ou méchanceté ? Je n’y arrive pas. Mépris, colère. Et surtout une tristesse infinie devant cette misère dans laquelle il n’y a pas de fatalité mais une habitude silencieuse et complice.

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