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Muntagnera! Enfin, un bout…

Et si nous parlions randonnée ? J’ai pas mal marché par chez moi et il me semble que je peux vous donner envie d’en faire autant. Et puisqu’il s’agit aussi de promouvoir la langue corse, nous allons examiner ma première proposition en musique. Grâce soit rendue à Word Press, mon éditeur de blog qui dans sa dernière version, autorise l’insertion de contenu. Donc, cliquez sur l’image You Tube pour avoir le groupe A Filetta en fond musical et plus particulièrement, la chanson « a muntagnera » qui relate le parcours de transhumance entre la plaine d’hivernage du Filosorma et les hautes vallées d’estive du Niolu. Le parcours que je vous propose correspond  aux quatre premiers couplets de cette chanson écrite par mon cousin Marcellu Acquaviva di L’Acquale, dans son recueil de poésies ‘l’Acqualugia ». Ch’ellu riposi in pace.


1er couplet….

Ch’ellu si n’hè scorsu maghju
Sarà più d’una simana ;
Approntati, o capraghju !
À lascià piaghja è calmana
Ch’ai da fà l’altu viaghju
Dopu ghjuntu in Barghjiana

Depuis que Mars s’est enfui,
Cela fera plus d’une semaine,
Prépare toi ô chevrier
A laisser la plaine et sa chaleur
Car tu devras faire un haut voyage
Lorsque tu seras arrivé à Bardiana

église

La randonnée que je vous propose est basée sur une partie de l’antique chemin qui ramenait donc les troupeaux des vallées du Filosorma où ils passaient l’hiver, au Niolu, où ils allaient rester durant l’été. Comme le dit ce premier couplet, l’aventure commence à Bardiana. Et plus précisément près de l’église où démarre la route forestière. A ce stade, plusieurs options. La première consiste à tout faire à pied et suivre cette piste carrossable sur environ sept kilomètres  avant d’arriver au pied du col, où tout le monde de toutes façons, devra marcher. La deuxième, si vous avez un véhicule assez haut sur patte, c’est de vous garer au pont des Rocce ce qui vous fera gagner quelques kilomètres et enfin si vous avez un quatre à quatre, vous pouvez aller au bout de la piste. Arrivé à la fontaine di i Tassi, vous ne pourrez pas aller plus loin qu’une passerelle et reviendrez vous garer 100 mètres plus haut sur un espace herbeux, sous un énorme rocher. Mais, tout faire en marchant, présente un double avantage. On se chauffe les muscles avant la grimpette et on profite d’une vue splendide sur les contreforts du Tafunatu.

2ème couplet….
Avvedeci, o Falasorma !
Cù i parenti è l’amichi
Sempre liati à Niolu
Per e gioie è i castichi :
Da Montestremu à u mare
Avemu listessi antichi.

Au revoir, ô Filosorma
Avec les parents et les amis,
Toujours liés au Niolu
Par les joies et les peines,
De Montestremu à la mer,
Nous avons les mêmes aïeux

En remontant la piste forestière, sur les premiers kilomètres en tout cas, vous verrez sur le versant d’en face, le village neuf de Montestremu  puis le vieux. Les maisons sont en ruine pour la plupart mais elles sont un exemple remarquable d’architecture corse et d’intégration idéale au lieu. Sans peine, puisque les pierres qui ont servi à construire les maisons sont celles des rochers alentour. Puis vous traverserez la plus grande yeuseraie d’Europe avant d’arriver à la passerelle des Tassi dont je parlais plus haut. Ce point marque la fin de la partie carrossable de la piste.

3ème couplet…
Sbuccarè in Caprunale
Guardendu da altu à bassu
Supranendune à O’mita
È a funtana di u Tassu
Basgiati a croce nova
Chì a vechja ùn s’hè più Trova.

Tu déboucheras à Caprunale
Regardant de haut en bas,
Surplombant Omita
La fontaine du Tassu (les ifs ?)
Embrasse la croix neuve
Car la vieille, on ne l’a plus trouvée (elle s’est perdue)

caprunale1

Ah la licence poétique..en un seul couplet, vous arrivez à Caprunale. Pas si évident. Longue montée en lacets qu’il faut absolument éviter au soleil. C’est là qu’on peut admirer le travail des terrassiers même si les éboulements détruisent peu à peu la route. Omita, c’est le nom de la forêt qu’on traverse en bas de la pente et celui aussi d’une maison forestière en ruines qu’on distingue sous les frondaisons. Et la fontaine, est celle dont je parle depuis un instant, celle où vous avez laissé votre voiture. Cette histoire de croix mérite une explication. Du temps de la transhumance, une vieille croix était scellée dans un rocher au passage du col. Une écuelle était là pour recueillir les piécettes laissées par les bergers et randonneurs. De temps en temps, quelqu’un descendait la collecte à l’église. La vieille croix a disparu. Il y en a désormais une autre.

4ème couplet
Eccu a Mirindatoghja,
Ti riposa di a cullata
Ma fà casu à a capra
Ch’ella ùn si sia sbandata
Se tù voli esse in Pùscaghja
Tranquillu pè a nuttata.

Te voilà à l’endroit pour manger,
Qui et repose de la montée,
Mais fait attention à la chèvre,
Qu’elle ne soit pas débandée
Si tu veux être à Puscaghja
Tranquille pour la nuitée.

Arrivé au col de Caprunale, un nouveau choix s’offre à vous après avoir cassé la croûte. Redescendre vers la vallée ou continuer sur Puscaghja, c’est à dire basculer sur l’autre versant. Repartir d’où on vient est tout à fait honorable. Vous aurez fait quelques heures de marche ( au moins 6 en aller-retour) surtout si vous avez tout parcouru à pied. Descendre à Puscaghja est plus excitant. Une grosse demi-heure de descente et au travers d’un environnement quelque peu sinistre (arbres foudroyés!!), vous arriverez dans la vallée de L’Onca. Un refuge vous y attend. Lors de ma dernière visite, il était tenu par le délicieux Dumè Flori. A ce jour, je ne sais plus ce qu’il en est. L’idéal, c’est de dormir à Puscaghja, comme le propose la chanson. C’est que je faisais étant jeune en pêchant dans la rivière qui loin de tout, était fort peu braconnée. Mais on peut, je l’ai fait plusieurs fois, boucler le tout dans la journée. L’aller retour, en marchant de façon honorable pedibus cum jambis tout du long, vous fera entre 8 et 10 heures de marche, car une fois descendu à Puscaghja, il faudra bien remonter au col de Caprunale. Moins si vous avez laissé la voiture à un endroit ou un autre. Et puis vous pouvez aussi continuer la route vers Guagnerola.. mais ceci est une autre histoire et d’autres couplets !

puscaghja

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Filosorma..la vierge et l’âne

Il se dit en Filosorma mais ailleurs aussi que pour tracer une belle route dans nos reliefs montagneux, il ne faut pas avoir recours à un ingénieur. Non. Il faut préférer un âne. N’y voyez pas là une attaque gratuite contre la noble corporation issue des Ponts et Chaussées mais plutôt l’expression d’une admiration non feinte pour cet humble quadrupède. Et puis qui mieux que lui trouvera le chemin le plus sûr et le mieux adapté à un cheminement paisible et respectueux de l’environnement ? Je vous le demande. Ce point étant acquis et je pense partagé de manière unanime, laissez moi vous raconter l’histoire de l’âne qui décidât du destin du couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile. Il semblerait bien qu’elle soit vraie du moins en partie et puis comme le disent nos cousins italiens, si non è vero è ben trovato ! Vous qui me lisez de façon régulière et attentive, savez déjà que le Filosorma est une vallée dans laquelle court le Fangu. Or donc, le Fangu se jette à Galeria dans une forme d’estuaire appelé a Foce où s’ébattent les cistudes et autres animaux plus ou moins aquatiques mais ceci est une autre histoire. Dans une époque reculée, Galeria comme son nom l’indique était un port. Je reprendrai à mon compte la célèbre tautologie gaullienne pour préciser que c’était un port de mer et qu’il a bien entendu le rester. Mais, en ces temps reculés, nous parlions de navigation commerciale périlleuse et non pas de plaisance tranquille façon pastis sous le taud. Un navire sans doute napolitain courait sous le vent par une terrible nuit d’orage. Il courait sous le vent et à sa perte sans espoir de trouver un abri tellement la mer était déchaînée. Le capitaine s’était fait attacher au mât et s’en était remis à la Vierge. Il la priait de l’aider lui promettant de l’honorer si elle le sortait indemne de cette aventure. Soudain, une étoile d’une brillance rare, s’était mise à luire comme un phare au milieu des nuées. Le pieux capitaine avait aussitôt mis le cap en direction de cette étoile et toujours en la suivant, il avait fini par mettre son navire à l’abri dans le golfe de Galeria. Fidèle à sa promesse, il avait remonté la vallée du Fangu en suivant la direction générale indiquée par ce signe marial et avait fini par trouver l’endroit idéal pour édifier un couvent dédié à sa bienfaitrice. Le couvent avait été doté par ses soins d’une statue représentant la sainte, statue dont il se dit rapidement qu’elle était dotée de vertus miraculeuses. Arrêtons nous un instant sur le tri qu’il y a lieu de faire entre légende et réalité. Je serais bien en peine de confirmer cette affaire de sauvetage miraculeux vu que je n’étais pas là à l’époque. Mais, je peux attester de l’existence d’un couvent sur la rive droite du Fangu, en contrebas de l’ancienne route de transhumance. Juste à l’endroit ou le ruisseau de la Scalella se jette. Ca me fait penser qu’un jour il faudra que je vous raconte comment mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca, la fosse commune du couvent. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Mais je m’égare et vous vous demandez ce qu’a bien pu devenir l’âne dans toute cette histoire. J’y viens ! Le couvent placé dans une basse vallée n’était pas sûr à une époque où les pillards barbaresques opéraient volontiers des razzias. Il fallait donc déplacer la statue en un lieu plus inaccessible. Toutes les communes du Niolu, la haute vallée d’estive dont dépendait alors le Filosorma revendiquaient la Vierge. Les débats oiseux n’en finissaient pas. Jusqu’au jour où, un des participants proposa d’attacher la statue sur le dos d’un âne et de le laisser aller à sa guise. Un nouveau couvent serait fondé à l’endroit où il s’arrêterait. L’animal suivi on l’imagine par une longue théorie de supporters avait franchi les cols de Caprunale puis de Guagnerola avant que de se diriger vers Albertacce, puis Casamaccioli où il s’était arrêté sur la place. Toutes les tentatives des habitants de Lozzi, Corscia, Calacuccia se révélèrent vaines. L’âne ne bougeait plus et si on parvenait parfois à la traîner, il revenait à sa place. Le couvent fut donc bâti là. Depuis, a lieu annuellement, chaque 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, un pèlerinage, doublé depuis 1835 d’une foire commerciale de trois jours, la fameuse foire de la Santa. Et voilà comment un âne fit la fortune d’un village. Quel ingénieur peut en dire autant ?

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