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Filosorma..la vierge et l’âne

Il se dit en Filosorma mais ailleurs aussi que pour tracer une belle route dans nos reliefs montagneux, il ne faut pas avoir recours à un ingénieur. Non. Il faut préférer un âne. N’y voyez pas là une attaque gratuite contre la noble corporation issue des Ponts et Chaussées mais plutôt l’expression d’une admiration non feinte pour cet humble quadrupède. Et puis qui mieux que lui trouvera le chemin le plus sûr et le mieux adapté à un cheminement paisible et respectueux de l’environnement ? Je vous le demande. Ce point étant acquis et je pense partagé de manière unanime, laissez moi vous raconter l’histoire de l’âne qui décidât du destin du couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile. Il semblerait bien qu’elle soit vraie du moins en partie et puis comme le disent nos cousins italiens, si non è vero è ben trovato ! Vous qui me lisez de façon régulière et attentive, savez déjà que le Filosorma est une vallée dans laquelle court le Fangu. Or donc, le Fangu se jette à Galeria dans une forme d’estuaire appelé a Foce où s’ébattent les cistudes et autres animaux plus ou moins aquatiques mais ceci est une autre histoire. Dans une époque reculée, Galeria comme son nom l’indique était un port. Je reprendrai à mon compte la célèbre tautologie gaullienne pour préciser que c’était un port de mer et qu’il a bien entendu le rester. Mais, en ces temps reculés, nous parlions de navigation commerciale périlleuse et non pas de plaisance tranquille façon pastis sous le taud. Un navire sans doute napolitain courait sous le vent par une terrible nuit d’orage. Il courait sous le vent et à sa perte sans espoir de trouver un abri tellement la mer était déchaînée. Le capitaine s’était fait attacher au mât et s’en était remis à la Vierge. Il la priait de l’aider lui promettant de l’honorer si elle le sortait indemne de cette aventure. Soudain, une étoile d’une brillance rare, s’était mise à luire comme un phare au milieu des nuées. Le pieux capitaine avait aussitôt mis le cap en direction de cette étoile et toujours en la suivant, il avait fini par mettre son navire à l’abri dans le golfe de Galeria. Fidèle à sa promesse, il avait remonté la vallée du Fangu en suivant la direction générale indiquée par ce signe marial et avait fini par trouver l’endroit idéal pour édifier un couvent dédié à sa bienfaitrice. Le couvent avait été doté par ses soins d’une statue représentant la sainte, statue dont il se dit rapidement qu’elle était dotée de vertus miraculeuses. Arrêtons nous un instant sur le tri qu’il y a lieu de faire entre légende et réalité. Je serais bien en peine de confirmer cette affaire de sauvetage miraculeux vu que je n’étais pas là à l’époque. Mais, je peux attester de l’existence d’un couvent sur la rive droite du Fangu, en contrebas de l’ancienne route de transhumance. Juste à l’endroit ou le ruisseau de la Scalella se jette. Ca me fait penser qu’un jour il faudra que je vous raconte comment mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca, la fosse commune du couvent. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Mais je m’égare et vous vous demandez ce qu’a bien pu devenir l’âne dans toute cette histoire. J’y viens ! Le couvent placé dans une basse vallée n’était pas sûr à une époque où les pillards barbaresques opéraient volontiers des razzias. Il fallait donc déplacer la statue en un lieu plus inaccessible. Toutes les communes du Niolu, la haute vallée d’estive dont dépendait alors le Filosorma revendiquaient la Vierge. Les débats oiseux n’en finissaient pas. Jusqu’au jour où, un des participants proposa d’attacher la statue sur le dos d’un âne et de le laisser aller à sa guise. Un nouveau couvent serait fondé à l’endroit où il s’arrêterait. L’animal suivi on l’imagine par une longue théorie de supporters avait franchi les cols de Caprunale puis de Guagnerola avant que de se diriger vers Albertacce, puis Casamaccioli où il s’était arrêté sur la place. Toutes les tentatives des habitants de Lozzi, Corscia, Calacuccia se révélèrent vaines. L’âne ne bougeait plus et si on parvenait parfois à la traîner, il revenait à sa place. Le couvent fut donc bâti là. Depuis, a lieu annuellement, chaque 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, un pèlerinage, doublé depuis 1835 d’une foire commerciale de trois jours, la fameuse foire de la Santa. Et voilà comment un âne fit la fortune d’un village. Quel ingénieur peut en dire autant ?

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…