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Une petite histoire…

Mettant à profit un peu de temps libre, je m’en vais de ce pas vous conter une petite histoire. Vous savez, une de ces histoires qui sont connues par cœur mais qui ont toujours autant de succès à la veillée. Talent du conteur, instant de partage. Parce que pour être tout à fait honnête, il n’est pas dit qu’avec ces macagne, nous soyons tout à fait dans le domaine de l’exactitude historique. Mais, nous n’en avons cure, car comme disent nos voisins de la botte, “ si non è vero, è ben trovatto ”
Désolé pour les non corsophones mais tout ceci n’a un sens qu’en langue nustrale. Je bascule donc sur la version corse tant à l’écrit qu’à l’oral…

Tempi d’una volta…ma un è cusi vechju l’affaru, u Filosorma a vistu assai abitanti mascii lascià u valle per andassine stantà u so pane in queste luntane culunie. Ci vulia puru parte chi a terra un sustentava piu u cristianu e chi tandu, quellu sacrifiziu purtava i soldi ch’ellu bisugnava a famiglia. Un pocu di benistà, una manera di pagà i studii di e surelle. Bon..bardianu di priggio in Cayenne, militariu per stu Tonkin.. Tonkin, Cochinchine è cusi ch’ellu si chjamava a l’epica u Viet-Nam.. Niolu, Filosorma e ogni locu, questa partenza un n’avia nulla di straurdinariu. Tenite, per quelli chi so bramose di ride, state da sente questa canzone (http://www.dailymotion.com/video/x5vhqj_quartier-maitre-de-charles-rocchi_music) Di sicuru, un sera micca un munimentu culturale ma a testimunienza di tempi fa.
Eppo, so turnati in casa questi culuniali. Qualchi ricordi, scatule di mah-jong, avoriu…e u palu !
Questa malatia, e frebbe cumu si dicia omu, vi lascia tranquillu mentre une stonda eppo, tuttu d’un colpu quelle chi ne suffria vedia cullà a so timperatura..e patansciava !
U duttore, chi tandu, venia di Calvi incu a so calescia, girava u valle e distribuia quella chinina.
Un ghjornu, s’è affacatu incu una vera rivoluzione ! Una manera nova di piglia a so midicina : u strughjinu o u suppusitoriu..cum’ella vi pare.
Ah..altru chi e pilule, piu efficace.
Ne a pripostu una scatula a unu, ch’omu chjamaremu Ziu, manera d’un mettesi a la male incu u pocu di famiglia chi li resta.
Di sicuru a dumandatu a Ziu, s’ellu sapia cume ci vulia aduprà u capatoghju. L’altru, u tintu, per un di ch’ellu un sapia micca, a rispostu iè. Forse un n’avia mancu capitu chi era una nuvità.
Bon, pertutu ch’ellu era u duttore, Ziu a dicisu di piglià a midicina. Un n’era dunque ne una pilula, ne una puzione. Umbeh..dopu avè ragiunatu una stonda incu a moglie, e cum’ellu un riescia da capisce a nota (forse un ci n’era mancu), Ziu a fattu a cosa a piu naturale. S’è sciacatu u pruduttu. Vi lasciu imaginà a prova ch’ella sera stata di mastucà e mastucà torna mentre una settimane, una scatula di strughjini. Impussivule da ingolle! Un scempiu !
Bon..forse un mese dopu, u duttore s’è affacatu torna in paese e s’è cansatu indè Ziu e a moglie. L’a dumandatu si a midicina avia fattu u so effettu..
Tandu a rispostu cusi, Ziu…incu una logica chi ci vole ammirà
«  Ô sgio duttore, a mi seria messa in qualchi locu, chi seria statu listessu »
U duttore, ch’ellu riposi, l’a corsa brutta ch’ellu ridia tantu e tantu ch’elle a risicatu di strangulassi ! Sarebbe statu assai logicu vistu a storia. Ma seria statu pecatu ! Chi e tantu peghju per u sicretu medicale e tantu megliu per noi, a prestu empiutu i paesi di st’affaru. E cusi ci a datu una macagna di quelle chi, per a magia d’internet, a da cuntinuà u so allegrettu caminu.

Allez, à la prochaine les enfants. Je reprends le fil de mes occupations professionnelles en espérant vous avoir un peu divertis.

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L’art de la macagna

Un peu gêné aux entournures pour parler du bar du village. Jérôme Ferrari l’a fait dans « Le sermon sur la chute de Rome ». Et son écriture est d’un tel niveau qu’elle inhibe. Mais comment parler de la macagna sans parler du bistrot. Et puis, le Goncourt n’est pas ici un objectif. Alors, on y va.
Le bar du village est un lieu essentiel. Le village est un système planétaire où dans chaque maison vivent des gens avec leurs histoires closes. Pourtant tout se sait. C’est heureux. Il n’est pas possible d’imaginer que les familles existent avec leurs joies et leurs peines sans que jamais l’extérieur n’en sache rien. Elles imploseraient. Le bar, est donc l’endroit où on s’expose. S’y raconte ce qui doit être su et s’y susurrent les informations qui ont vocation à circuler. Chacun apporte un peu et repart avec ce que les autres ont bien voulu apporter. C’est un univers d’hommes. Un univers très identitaire aussi. Il y a quelques tables peuplées de touristes mais elles sont exilées à la périphérie de la terrasse. Au centre, on trouve les habitués, rois de la macagna, ceux dont les plaisanteries les meilleures passent l’hiver et rentrent dans la mémoire collective.
La macagna, c’est difficile à expliquer. Un art. Celui qui consiste à rebondir sur une phrase, un défaut, une particularité de son interlocuteur pour avec un grand sérieux bâtir une histoire qui fera rire aux dépends de la victime mais sans méchanceté. Il ne doit pas y avoir offense. Chacun joue sa partition, le macagneur comme le macagné. Pour ce dernier, c’est un peu involontaire mais il y trouve son compte.
Au travers de quelques exemples, je m’en vais essayer de vous faire saisir l’esprit subtil de la macagna.
Un mien cousin, qui se reconnaîtra, n’est pas dépourvu d’un certain talent dans ce domaine. Il y a quelques été de cela, il avait entrepris une équipe de touristes sur Napoléon. Ils avaient été très vite impressionnés par sa science, réelle au demeurant, du sujet. Mais sa cible était ailleurs comme on va le voir. Tout à trac, il avait annoncé que si l’Empereur était inhumé aux Invalides, le crâne de Napoléon enfant était enterré ici même à Bardiana. Les touristes n’étaient pas crédules au point de gober une histoire pareille. Mais sur la terrasse, brûlant de participer à la conversation, il s’était trouvé quelqu’un (il y a en toujours un dans la bande) qui perdant son peu de sens critique, avait rebondi sur l’affaire. Il avait clamé haut et fort son incompréhension et vivement critiqué le maire. Sa marotte ! Comment un tel atout touristique pouvait-il rester ignorer ? Il fallait communiquer sur ce point et valoriser une pareille trouvaille. Une longue diatribe écoutée bouche bée par les témoins étrangers et avec une envie de rire contenue à grand-peine par les locaux. Tous les ingrédients de la macagna réussie sont dans cette anecdote, parfaitement authentique. Un inventeur malicieux, un public et une victime à laquelle il suffit de servir un thème auquel elle tient suffisamment pour qu’elle parle sans réfléchir. Deux ou pastis ne nuisent pas à l’affaire pour être tout à fait honnête.
J’ai participé à une conversation, il y a très longtemps, où j’ai vu ma Mère lancer une macagna d’anthologie aux dépends du mari continental d’une de nos cousines, homme dont je peux vous assurer qu’il est loin d’être un benêt. Mais voilà. Il est attaché aux choses matérielles et pointait sans méchanceté, la pauvreté de nos villages. Ma maman qui le connaissait un peu, lui a dit qu’en effet notre situation avait été précaire. A tel point que dans les années 30, personne ne pouvait acheter l’once d’or que les commerçants de Calenzana venaient proposer pour cinq francs. Etrange à dire mais il a gobé cette histoire. Toute la soirée, il a posé des questions ne parvenant pas à comprendre que nous n’ayons pas pu trouvé cinq francs pour acheter de l’or. Je crains que comme nous n’avons rien dit à l’époque, il y croit encore.
J’aurais pu vous parler du piano de Candela ou de la truite à clochette. Mais je vais en rester là. Une dernière petite chose tout de même en forme de regret conclusif. Il y a des saisons que je n’ai entendu une macagna digne de ce nom. Un peu plus de méchanceté envieuse et un peu moins de malice amicale. Ceci explique sans doute cela.

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Ghjente di Filosorma

Il existe en Filosorma pas mal de gens pittoresques. De ceux dont on dit là-bas, « ch’elli fanu u so pruverbiu », qu’ils font leur proverbe. En d’autres termes, qu’ils se signalent à l’attention des historiens de la macagna et des compilateurs de cacciate (saillies drolatiques) par la régularité et la grande, très grande qualité, de leur production. Comme ils ne le font pas toujours exprès, il n’est pas question que je les cite. Les fins connaisseurs de la vallée les reconnaîtront et j’éviterai ainsi un motif de discorde avec leur parentèle. Et pour être tout à fait tranquille, je n’évoquerai que les anecdotes dont moi et les miens avons pu être les involontaires et hilares victimes. Je le ferai en corse parce que la musique de la langue est le condiment nécessaire mais je traduirai en français par égard pour ceux qui ne peuvent pas, pas encore, apprécier cette cuisine épicée.

J’avais alors une quinzaine d’années. Age délicat où tout garçon normalement constitué se pose une question fondamentale: suis-je séduisant? Aussi, étais-je très impatient de rencontrer une cousine qui vivait au Niolu et dont ma mère me disait qu’elle était, elle aussi, impatiente de me voir. Quand j’étais gamin, elle me trouvait fort beau et le disait haut et fort. Charmante perspective que de rencontrer une dame au goût si sur. J’ai donc entrepris avec un vif intérêt la tournée des village avec comme point d’orgue, la visite de cette dame. Je me souviens avec précision de la maison, du couloir et du salon où elle se tenait et puis aussi de son commentaire immédiat lorsqu’elle m’a enfin aperçu…

« E quessu Tony, ma un la dicu piu ch’ellu è bellu, ma cum’ellu è inguffitu, cusi goffu!! » Ce qui en bon français nous donne « C’est celui-là Tony, mais je ne dis plus qu’il est beau, mais comme il a enlaidi, comme il est laid!! » Charmant et très rassurant quand on se pique de plaire. Goûter amer arrosé du sempiternel orgeat au parfum de soupe à la grimace. Bon, quelques dizaines d’années après, il m’arrive encore d’avoir droit lorsque j’arrive à ce fameux « cusi goffu » passé en forme de légende familiale. Cela faisait beaucoup rire ma maman pour qui de toutes façons, il me semble que quoiqu’on en dise, j’étais le plus beau.

Ma Maman… elle adorait rire et racontait avec talent les histoires dont parfois elle avait été la victime involontaire. Même dans le tragique parfois. Il faut savoir qu’elle avait eu la douleur de perdre son mari, mon père, alors que je n’avais que trois ans. Lors de son premier séjour au village, il lui avait fallu endurer la litanie des condoléances qui ravivait la tristesse. Elle n’avait certes pas envie de rire et pourtant, quarante et cinquante ans plus tard, si campava, elle se marrait en nous contant pour la enième fois, sa rencontre avec un bonhomme réputé pour sa spontanéité, qui était venu à sa rencontre per fà i so duveri.. remplir ses obligations.

Mamma era nant’a muraglieta, vicinu di a casa e vede chi s’affaca quellu C. U tipu s’avvicina e li face:

Ellu…allora, m’anu dettu chi era mortu u to maritu. Chi vole fà, è a vita..

Mamma… è cusi..ai puru raggio..

Ellu.. ma era pinzutu?

Mamma.. inno era corsu!

Ellu.. era corsu?! Allora è altru!

Mamma…era corsu e paesanu postu chi era natu indè u Mansu.

Ellu.. un paesanu di u Mansu!! Allora cambia l’affaru!!

For di ride chi vulete fà?

Maman était assise sur la muraillette, proche de la maison et voit s’approcher C. Le type s’approche et lui dit:

Lui.. alors, on m’a dit que ton mari était mort. Qu’est ce que tu veux faire, c’est la vie..

Maman.. c’est ainsi, tu as raison..

Lui.. mais il était continental?

Maman.. non, il était corse!

Lui..il était corse?! Alors c’est autre chose!

Maman.. il était corse et d’ici puisqu’il était né au Mansu.

Ellu.. un du Mansu!! Alors l’affaire change!

A part rire, que voulez vous faire?

Rien que sur cet homme là, maladroit mais fort gentil, je pourrais écrire des pages. Je ne m’interdis pas de le faire. Le Filosorma n’est pas qu’une vallée, un fleuve et des montagnes. Il y avait des gens aussi même si aujourd’hui on ne s’en rend plus tout à fait compte..

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…