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Capicursura in Filosorma: per una volta, lascià u so rughjone!

Ognunu tene caru u so rughjone
E un ne vole micca sorte,
Ma ci vole a l’occasione
Sapè chjode purtelle et porte.

C’est ainsi que commence une petite poésie écrite pour une collègue à propos de son village dont elle affirme qu’il mérite la visite. Je la crois bien volontiers mais il est loin !  Et oui…c’est le problème par chez nous.  Pour découvrir l’île , il faut accepter de quitter  u so rughjone, ce qui n’est jamais aisé surtout lorsque les jours de vacances sont comptés.

Mais quand c’est votre filleul préféré qui vous propose une escapade,  pas question de refuser. Il faut savoir quitter le Filosorma surtout lorsque l’escapade en question est une première.. prendre le train de Ponte Leccia à Ajaccio et retour dans la journée ! Vergogna, je ne l’avais jamais fait.

Ledit filleul, avec l’accord du conducteur, a eu l’idée lumineuse de fixer une caméra à l’avant de la motrice et de la régler sur une image toutes les deux secondes. Et à la sortie, nous avons une vidéo de 4 minutes environ pour les presque deux heures de trajet avec…fugace…des cochons qui traversent, le conducteur qui immortalise la GoPro (publicité gratuite) et surtout les paysages changeants avec la luminosité de novembre.

Le choix de la musique est, comment dire…générationnel.. Pour ma part, j’aurais opté pour «  u lamentu di u trenu » mais je reviendrai sur ce point après vous avoir laissé visionner  ce petit film…

U Trinichellu – Timelapse from maximhal on Vimeo.

Vous observerez que je n’ai pas encore utilisé le terme de « micheline ». Pourquoi ? Parce que le train que j’ai utilisé dans ce périple automnal est panoramique et confortable mais qu’il n’a plus rien à voir avec celui que je prenais gamin, pour rejoindre le Niolu chez mes oncle et tantes de l’Acquale.  Di quelli viaghji !

Départ de Bardiana pour Calvi, micheline jusqu’à Francardu, et là mon oncle qui m’attendait avec le « taxi », une 403 du village, direction Lozzi par a Scala. Sans doute est-il mort celui qui conduisait ce taxi mais je ne l’ai jamais oublié. Un brave homme fort sympathique mais qui était affublé d’un surnom inquiétant « Scana caprettu ». Un peu impressionné, beaucoup fatigué, je me tassais à l’arrière de la voiture et me laissais porter.

Presqu’une journée de voyage avec des sensations qui me reviennent. Une plus que d’autres. Celle de la fraîcheur tout à fait inattendue lorsqu’on quitte le Filosorma, piaghje e calmane, pour u Niolu. Et puis l’arrivée au village, la joie de mes tantes et la table di u salottu, a u primu pianu, piena di fritelle. Avianu sfritillatu per mè una ghjurnata sana.

Bref, presque cinquante ans après, une balade en train  qui n’avait rien à voir a priori avec le Filosorma, mais qui ravive malgré tout des souvenirs qui m’y ramènent. La lecture de « la recherche du temps perdu » que je suis en train de terminer (il m’aura fallu presque deux ans quand même) est peut être de nature à expliquer cette sensibilité accrue aux souvenirs. Il a eu sa madeleine, avia e mo fritelle !

Pour conclure sur une note historique et ne pas se laisser gagner par l’émotion.. je vous mets ici le texte du lamentu cité plus haut. Ce texte, il ne faut pas s’y tromper, est on ne peut plus sérieux. Il a été écrit à la fin du 19ème siècle et est attribué à un couple d’aubergistes de Cervione, Anghjulinu et Maria Felice Marchetti. Il traduit le désespoir et la colère de toutes les corporations plus ou moins ruinées par l’arrivée du chemin de fer. Les observateurs avisés auront noté que la ligne qui est visée au sens propre comme au figuré, mitrailleuse et canons, passe à Cervione. Cette ligne qui desservait l’extrême sud, a disparu depuis.


Charles Rocchi – U trenu di Bastia par CorsicaTV

O lu trenu di Bastia
Le train de Bastia
Hè fattu per li signori
Est fait pour les seigneurs
Pienghjenu li carritteri
Les charretiers pleurent,
Suspiranu li pastori
Les bergers soupirent
Per noi altri osteriaghji
Pour nous autres aubergistes,
Son’affanni è crepacori
Voilà angoisses et crève-cœur.
Anghjulì lu mio Anghjulinu
Anghjulinu, mon Anghjulinu
Pensatu n’aghju una cosa
J’ai pensé à une chose :
Quand’ellu passa lu trenu
Quand le train passe,
Tirali di mitragliosa
Tire-lui dessus à la mitrailleuse
È li sceffi chì sò dentru
Et les chefs qui sont dedans
Voltali à l’arritrosa
Retourne-les à l’envers.
Ci vogliu piazzà un forte
Je veux disposer un fort
In paese di Cervioni
Dans le village de Cervioni
È nantu ci vogliu mette
Et dessus je veux y mettre
Più di trecentu cannoni
Plus de Trois cents canons
Quand’ellu passa lu trenu
Afin que quand le train passe
Spianalli li so vagoni
Je lui aplatisse ses wagons
À chì hà inventatu lu trenu
Celui qui a inventé le train
Hè stata una brutta ghigna
A été mal inspiré.
Li ghjunghi u filosserà (ne)
Qu’il attrape le Phylloxéra
Cum’ellu hè ghjuntu à la vigna
Comme l’a attrapé la vigne
Li caschinu li capelli
Que les cheveux lui tombent
D’una maladetta tigna
D’une maudite teigne

Ùn si vende più furagi
On ne vend plus de fourrage,
Pocu pane è micca vinu
Peu de pain et pas de vin.
Passanu le settimane
Les semaines passent
Senza vende un bichjerinu
Sans vendre un petit verre,
Chì ci avemu più da fà (ne)
Qu’allons-nous faire de plus
In piaghja lu mio Anghjulinu
Dans la plaine mon Anghjulinu ?

Anghjulì, lu mio Anghjulinu
Anghjulinu, mon Anghjulinu
Preparemu la mubiglia
Préparons nos affaires,
Quandu fala la vittura
Quand le coche descend,
Imbarca a nostra famiglia
Embarque notre famille ;
Soldi di meiu lu trenu
De mon argent, tant que je vis,
In fin’ch’o campu ùn ne piglia
Le train n’en prendra pas.

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Filosorma..la vierge et l’âne

Il se dit en Filosorma mais ailleurs aussi que pour tracer une belle route dans nos reliefs montagneux, il ne faut pas avoir recours à un ingénieur. Non. Il faut préférer un âne. N’y voyez pas là une attaque gratuite contre la noble corporation issue des Ponts et Chaussées mais plutôt l’expression d’une admiration non feinte pour cet humble quadrupède. Et puis qui mieux que lui trouvera le chemin le plus sûr et le mieux adapté à un cheminement paisible et respectueux de l’environnement ? Je vous le demande. Ce point étant acquis et je pense partagé de manière unanime, laissez moi vous raconter l’histoire de l’âne qui décidât du destin du couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile. Il semblerait bien qu’elle soit vraie du moins en partie et puis comme le disent nos cousins italiens, si non è vero è ben trovato ! Vous qui me lisez de façon régulière et attentive, savez déjà que le Filosorma est une vallée dans laquelle court le Fangu. Or donc, le Fangu se jette à Galeria dans une forme d’estuaire appelé a Foce où s’ébattent les cistudes et autres animaux plus ou moins aquatiques mais ceci est une autre histoire. Dans une époque reculée, Galeria comme son nom l’indique était un port. Je reprendrai à mon compte la célèbre tautologie gaullienne pour préciser que c’était un port de mer et qu’il a bien entendu le rester. Mais, en ces temps reculés, nous parlions de navigation commerciale périlleuse et non pas de plaisance tranquille façon pastis sous le taud. Un navire sans doute napolitain courait sous le vent par une terrible nuit d’orage. Il courait sous le vent et à sa perte sans espoir de trouver un abri tellement la mer était déchaînée. Le capitaine s’était fait attacher au mât et s’en était remis à la Vierge. Il la priait de l’aider lui promettant de l’honorer si elle le sortait indemne de cette aventure. Soudain, une étoile d’une brillance rare, s’était mise à luire comme un phare au milieu des nuées. Le pieux capitaine avait aussitôt mis le cap en direction de cette étoile et toujours en la suivant, il avait fini par mettre son navire à l’abri dans le golfe de Galeria. Fidèle à sa promesse, il avait remonté la vallée du Fangu en suivant la direction générale indiquée par ce signe marial et avait fini par trouver l’endroit idéal pour édifier un couvent dédié à sa bienfaitrice. Le couvent avait été doté par ses soins d’une statue représentant la sainte, statue dont il se dit rapidement qu’elle était dotée de vertus miraculeuses. Arrêtons nous un instant sur le tri qu’il y a lieu de faire entre légende et réalité. Je serais bien en peine de confirmer cette affaire de sauvetage miraculeux vu que je n’étais pas là à l’époque. Mais, je peux attester de l’existence d’un couvent sur la rive droite du Fangu, en contrebas de l’ancienne route de transhumance. Juste à l’endroit ou le ruisseau de la Scalella se jette. Ca me fait penser qu’un jour il faudra que je vous raconte comment mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca, la fosse commune du couvent. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Mais je m’égare et vous vous demandez ce qu’a bien pu devenir l’âne dans toute cette histoire. J’y viens ! Le couvent placé dans une basse vallée n’était pas sûr à une époque où les pillards barbaresques opéraient volontiers des razzias. Il fallait donc déplacer la statue en un lieu plus inaccessible. Toutes les communes du Niolu, la haute vallée d’estive dont dépendait alors le Filosorma revendiquaient la Vierge. Les débats oiseux n’en finissaient pas. Jusqu’au jour où, un des participants proposa d’attacher la statue sur le dos d’un âne et de le laisser aller à sa guise. Un nouveau couvent serait fondé à l’endroit où il s’arrêterait. L’animal suivi on l’imagine par une longue théorie de supporters avait franchi les cols de Caprunale puis de Guagnerola avant que de se diriger vers Albertacce, puis Casamaccioli où il s’était arrêté sur la place. Toutes les tentatives des habitants de Lozzi, Corscia, Calacuccia se révélèrent vaines. L’âne ne bougeait plus et si on parvenait parfois à la traîner, il revenait à sa place. Le couvent fut donc bâti là. Depuis, a lieu annuellement, chaque 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, un pèlerinage, doublé depuis 1835 d’une foire commerciale de trois jours, la fameuse foire de la Santa. Et voilà comment un âne fit la fortune d’un village. Quel ingénieur peut en dire autant ?

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…