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Prosper Mérimée et la Corse..

On ne peut pas résumer Mérimée à son voyage en Corse. Mais, c’est ici mon sujet. Et pour être franc, je dois reconnaître que si j’admire l’écrivain, je suis plus réservé sur ce qu’il a écrit après son voyage dans l’île. Et l’image durable qu’il a laissée.

J’ai trouvé un article complet et très intéressant écrit par Gisèle Mathieu-Castellani pour la revue Persée. Il peut être consulté ici

Deux choses ont marqué l’autrice de cette contribution. D’une part, sa vision assez négative de l’île, de ses paysages, mornes et sans intérêt, et de ses habitants. Les femmes y sont « toutes de soixante à quatre-vingt ans et sont hideuses ». Ce qui ne l’a pas empêché, si on en croit d’autres sources, de tomber amoureux de Catherine, la fille de Colomba Bartoli de Fozzano au point de la demander en mariage. Refus de la mère ! Est-ce que c’est cette aventure qui lui fit écrire un ami, son regret de « l’excès de moralité des femmes corses qui désole le voyageur ». Et d’autre part, le fait qu’il a fait beaucoup de recherches documentaires.
On dit en Corse, qu’une parole dite est comme une pierre lancée. Elle ne se rattrape pas. Geste volontaire ou pas. Le problème avec Mérimée c’est que ses nouvelles et romans de grande qualité littéraire ont ancré une image très particulière de la Corse.
Matéo Falcone tue son fils qui a livré un bandit aux gendarmes contre une montre. Un enfant de dix ans. J’imagine sans peine ce qu’ont pu penser les lecteurs des corses. Un sens de l’honneur impossible à comprendre et à justifier d’ailleurs. Un père, déjà meurtrier, qui tue son fils après lui avoir fait dire ses prières. Si après ça, on ne passe pas pour des sauvages, ça relève du miracle.
Colomba..là, ce sont des personnages féminins qui poussent à la vengeance. La place de la femme dans l’œuvre de Mérimée c’est quelque chose. Carmen, belle et sensuelle, éprise de liberté, n’a pas de scrupules. Elle séduit et manipule les hommes. Un coup de couteau mettra fin à son funeste destin. La Venus d’Ille, la statue maléfique,. « prends garde à toi si elle t’aime » conduit un homme à sa mort. Et Colomba, donc, qui pousse son frère à la vengeance.
Mérimée comme l’écrit Gisèle Mathieu-Castellani, a recherché le dépaysement et a trouvé son inspiration dans ce qu’on lui racontait et qu’il a romancé.
Pourquoi pas. C’est la vocation d’un écrivain.
Mais, ce qu’il en reste c’est une image de l’île assez caricaturale. Les bandits sont d’honneur et leurs actes sont dictés par une noble vengeance. Ce qui est flatteur mais faux. J’en ai parlé ici-même. Les bandits corses étaient pour la plupart des voyous, des « bandits percepteurs » comme on les appelait dans l’île. Violence et honneur encore avec un Mateo Falcone qui tue son propre fils. Tout ceci a nourri, j’ai pu le constater, un sentiment ambigu à l’endroit des corses. Encore aujourd’hui, une fascination teintée de crainte.
Mérimée a écrit à propos de son voyage dans l’île, qu’il s’était « fort amusé ». Pas tant dans les montagnes et le maquis « monotones » ou les forêts « assez piètres » mais avec les habitants dont il peut dire « je parle de la pure nature de l’homme. Ce mammifère (sic) est vraiment fort curieux ici et je ne me lasse pas de me faire conter des histoires de vendetta »
Tout est dit. Il a trouvé matière à écrire en écoutant ce qu’on voulait bien lui raconter. Et il a décrit une contrée sauvage aux dangereux habitants. Nous en sommes encore un peu là aujourd’hui. Beaucoup de livres, de films ou de séries, sont dans ce registre. Et les problèmes de violence qu’on rencontre dans l’île sont assez graves pour ne pas en plus subir aujourd’hui encore, les conséquences des écrits d’un auteur de talent mais emporté par sa verve et l’idée d’avoir vécu un instant, dans un pays étrange peuplé de gens aux habitudes et mœurs curieuses. Un peu sauvages.

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…