L’église de Saint Pancrace

Il faut être honnête et reconnaître que l’église de Saint Pancrace n’a rien d’extraordinaire. Nous sommes loin des édifices religieux tels que l’église de San Tumasgiu de Pastoreccia à Castellu di Rustinu ou encore la très renommée Eglise San Michele à Muratu, vantée par Prosper Mérimée.

Elle n’a rien d’extraordinaire par son architecture, ni même par son intérieur où on retrouve la statuaire habituelle sans aucun intérêt artistique.

Mais, c’est l’église de Bardiana ! La mienne.  Et, ce qu’elle a et que les autres n’ont pas, c’est le cadre.

Modeste comme écrasée par la montagne si proche avec la forêt qui semble l’engloutir ou la protéger.

L'église de Saint Pancrace de Bardiana au printemps
Eglise de Saint Pancrace au printemps

C’est mon église et bien qu’indifférent aux choses qui touchent à la religion, je ne peux que ressentir une émotion bien particulière et une forme de spiritualité lorsque je m’en approche puisque, non loin d’elle, reposent celles et ceux que j’ai aimés.

Elle est récente puisque construite au début du XXème siècle par les habitants des hameaux de Bardiana et Montestremu. Si j’en crois les sources, le clocher fut construit bien plus tard, en 1957, par un maçon italien Anghjulu Begani, aidé par deux jeunes hommes du village, Mathieu Costa et François Santucci. La maisonnette située à côté de l’église servait autrefois à la fabrication des cierges. Cette utilisation est attestée par quelques vieilles photographies où on peut voir des habitants de la région reproduire cette activité.

Confection de cierges à Bardiana

Lors de la transhumance, les bergers venaient pour y faire bénir leurs troupeaux. Elle se situe en effet à l’entrée de la route forestière d’où démarrait la longue route vers le Niolu. A muntagnera.

Saint Pancrace qui serait mort en martyr par décapitation en 304 à l’âge de 14 ans fait partie des saints de glace et son nom signifie en grec ancien « le tout puissant ». Il est traditionnellement représenté sous des traits juvéniles et en habit de légionnaire, une épée dans une main et la branche de palme dans l’autre.

Il est reconnu comme patron des bergers et des bandits et dit-on, en son honneur, les bandits ne commettaient jamais aucun forfait le jour de son pèlerinage.
Autrefois, la statue du Saint était portée jusqu’à l’entrée du village de Bardiana, puis sur la route de la transhumance. C’était l’occasion d’une foire au cours de laquelle les commerçants de Balagne et de Calenzana notamment, ainsi que les bergers de la vallée venaient exposer et vendre leurs produits. Cette foire a repris mais je n’y ai jamais assisté car en Mai, je suis loin du village. Ma Mère, elle, ne voulait pas manquer cette fête et le début du mois de mai marquait le retour en Filosorma. C’était son église et d’où elle est maintenant, elle la voit et elle regarde la vallée. Paisible.

Saint Pancrace

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Bocca i Mori.. col des Maures..toponymie

Se rendre au col des Maures n’est pas bien compliqué. En passant par Vergio en tous cas. Parce que de l’autre côté, on arrive au pied de ce col en remontant à partir de Saltare jusqu’aux bergeries de la Uscella et c’est une paroi réservée aux alpinistes qui s’offre à vous. Donc l’appellation col est un tantinet excessive puisque le passage ne permet pas vraiment de passer d’une vallée à une autre. C’est une brèche étroite qui permet ensuite deux ascensions bien plus escarpées à savoir le Capu Tafunatu (article dans ce blog) et a Paglia Orba.
La randonnée jusqu’à a Bocca di i Mori se fait dans la journée. Le départ est situé dans le fameux virage du fer à cheval en dessous du col de Vergio en direction de Calacuccia. On peut aussi partir du col. Il suffit ensuite de remonter le GR en passant par les magnifiques bergeries des Radule, la vallée de Tula pour arriver enfin au refuge de Ciuttulu di i Mori. Un sentier bien marqué démarre derrière le refuge et remonte parmi les roches rouges pour atteindre le col des Maures en peu de temps. Cette randonnée, en aller-retour, c’est une quinzaine de kilomètres pour 700 mètres de dénivelé environ.


Mais ce qui m’intéresse dans cette affaire, c’est l’origine du nom de ce col.
Suivant la tradition orale, il proviendrait d’une bataille où auraient été exterminés, en ce lieu, des Sarrasins. Je m’autorise à en douter vu l’emplacement et l’éloignement avec la côte.
Des ouvrages plutôt récents ou très anciens, notamment la Chronique médiévale Corse de Giovanni Della Grossa peuvent ils nous éclairer ?
Il n’y a aucun doute sur le fait que l’île fût soumise de l’an 800 à l’an 1000 aux raids de féroces Sarrasins et que les Corses, chrétiens depuis des siècles (on y reviendra) , se réfugièrent par milliers à Rome et dans les états pontificaux. Ceux qui n’avaient pu rejoindre le continent, abandonnant les villages côtiers devenus trop dangereux pour s’installer sur les hauteurs, réclamaient l’aide de la chrétienté en résistant aux infidèles.
L’ouvrage de Della Grossa a été analysé par des historiens qui ont démontré que s’il contenait diverses erreurs (le personnage légendaire Ugo Colonna par exemple), il devait toutefois être regardé avec intérêt car il était la somme des idées de nombreuses générations de corses, idées transmises par tradition orale. Ces mêmes historiens reprenant les récits de libération de la Corse de l’occupation maure constatent toutefois que les chroniques locales ont exagéré l’importance de leur domination. Ils se réfèrent au plus autorisé des chroniqueurs arabes, Ibn-el-Athir (1160-1223) Celui-ci ne consacre qu’un seul chapitre à toutes les entreprises des musulmans, et il affirme que durant leur séjour, elle était administrée par le Rûm, c’est-à-dire l’élément italien. ” et concluent : “ il n’y eut jamais à proprement parler de domination sarrasine; si les Maures parvinrent à occuper certains points du littoral ou même à établir des campements dans la montagne, leur autorité ne laissa pas de traces. ”. Ainsi, la Corse n’est pas, pour les musulmans, un lieu de civilisation, c’est simplement une terre de raids et dépôts.
Mais alors si la Corse n’était pas conquise réellement par les sarrasins, contre qui les chevaliers chrétiens se sont-ils battus ?
En fait, il faut en revenir à la christianisation de la Corse. Elle ne fut ni uniforme ni rapide. La christianisation de la Corse a été tardive, au IV° siècle à partir de Mariana et Aleria. Selon Diunisu LUCIANI (A Corsica tempa lli sarragini livre paru en juillet 1998) les habitants de la Corse se répartissaient en trois catégories. Sur la côte orientale, dans le Nebbio, dans la région de Sagone et du Cap, ils sont romanisés et en grande partie christianisés. Dans les vallées proches de ces centres d’échanges et de culture romaine, comme la Casinca, ils sont déjà romanisés mais peu christianisés. Sur les hauteurs, comme le Niolo, ils ont peu de contact avec l’extérieur et ne sont pas christianisés.
Une question doit alors être résolue. Pourquoi, alors que la Corse n’est pas une terre musulmane, la toponymie rappelle si souvent le nom des Maures, principalement dans des parties de la Corse situées à l’intérieur (Niolo, Rustinu, Sartinese, Alta Rocca, Taravu, Cuscione mais aussi Balagna). Et pourquoi, les lieux désignés sont-ils principalement des monts et des cols. A bocca à i mori, a sarra di i mori, u ciottulu di i mori, a cima à i mori, u ponti murricioli et même a moresca, chanson de geste la plus présente dans la culture corse.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que cette appellation de « Mori » doit s’entendre par “ Corses païens ”. La toponymie maure s’expliquant alors dans les montagnes corses comme des points de résistance des Corses païens à la reconquête effectuée par les armées chrétiennes envoyées par le Pape. Giovanni Della Grossa (exemples non exhaustifs) indique que certains des combattants sont des “ Maures de race chrétienne ” que L’Ile est “ pleine d’ennemis ” et les chevaliers sont “ assiégés ” et que les chevaliers sont présents pour lutter contre “ les infidèles ” et “ conquérir une terre qui avait appartenu à l’Eglise ”.
Bref, comme on a coutume de le dire, l’histoire appartient au vainqueur. Il était sans doute plus flatteur de présenter un épisode violent de christianisation forcée comme un épisode de victoire sur des infidèles sarrasins.

Documentation plus complète dans cet article de l’Accademia Corsa à consulter ici

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La bataille de Girulata

J’ai eu l’occasion ici même de vous proposer de faire la magnifique randonnée qui conduit à Girolata.


Il m’avait été rapporté qu’en ce lieu, une bataille navale s’était déroulée conduisant à la prise de Dragut l’amiral ottoman. J’étais intrigué par cette histoire mais je ne l’ai approfondie qu’il y a peu. Et ce n’est pas une légende.
Au milieu du 16ème siècle, Charles Quint, empereur du Saint-Empire romain et le souverain ottoman, Soliman le Magnifique étaient en guerre.
Après une victoire dans l’Adriatique, le commandant de la Marine ottomane, Khayr ad-Din Barberousse avait envoyé des galères dirigées par Dragut faire des razzias sur la côte italienne. Il avait comme tâche d’attaquer la côte et de perturber le transport maritime espagnol. Dragut commença sa croisière avec la capture de cinq galères vénitiennes au large de l’île de Paxos près de Corfou.
En réponse à la menace ottomane, Andrea Doria, le grand-amiral de Charles V, rassembla une flotte de près de 80 galères dans le port de Messine pour éliminer les corsaires ottomans de la Méditerranée occidentale. Divisée en cinq escadres, ces galères patrouillaient dans différentes régions.
Giannetino Doria neveu de Andrea surveillait la Corse et la Sardaigne avec 21 de ces galères. Et c’est lui qui trouva la piste de Dragut. Celui-ci avait attaqué l’île de Capraia (au large de Bastia) et des pêcheurs qui avaient fui les ottomans prévinrent Doria que Dragut avait fait voile vers le Cap corse et, plus tard, après avoir ravagé le village de Lumiu, que son escadre était ancrée dans le golfe de Girolata
L’escadron ottoman y avait mis l’ancre pour faire le partage du butin du razzia récent. Dragut avait choisi cet endroit parce qu’il était désert, loin des routes habituelles de navigation. Tranquille ou imprudent, il n’avait posté aucun navire comme garde à l’entrée du golfe. Arrivant à proximité, Gianettino Doria envoya son parent Giorgio Doria dans le golfe avec 6 galères et une petite frégate, afin d’identifier les galères qui y étaient ancrées
Le combat fut engagé le 15 juin 1540. Les avis diffèrent sur son déroulement. Selon certains historiens, les marins et soldats ottomans étaient à terre, endormis sous les arbres ou prenant un repas, lorsque l’arrivée des galères chrétiennes les prirent par surprise. Selon de La Gravière, 600 ottomans fuirent vers les montagnes environnantes, avant même que la bataille ait vraiment commencé, et Dragut eut à peine eut le temps de s’embarquer et de faire feu une seule fois, avant que les génois et les espagnols soient montés à bord de ses navires. Dès les premiers coups de feu, beaucoup de ses hommes, turcs ou chrétiens renégats, avaient sauté à la mer pour s’échapper vers l’intérieur de l’île. Alberto Guglielmotti donne un compte rendu plus détaillé de la bataille avec des mouvements de Dragut qui engagea le combat en pensant être en supériorité numérique mais qui tomba sur les navires qui attendaient à l’extérieur du golfe. Un seul coup de canon endommagea tellement le navire amiral de Dragut que le combat cessa.
La flotte chrétienne captura les 11 galères ottomanes, fit prisonniers 1 200 ottomans et libéré 1 200 galériens chrétiens. Dragut fut parmi les prisonniers ottomans et réduit à ramer dans une galère. Libéré après versement d’une rançon par Barberousse il continua ses aventures s’en s’alliant avec le corsaire Euldj Ali pour constituer une gigantesque armada et prendre sa revanche. Mais, ceci est une autre histoire. Par contre, j’ai pu lire que les marins turcs s’étaient échappés (on ne disait pas au maquis à l’époque mais à la forêt, à la « selva) et que la population les aurait capturés, ramenant des oreilles et des nez, comme preuve de ces captures. Même si je suis un peu sceptique, est-ce qu’il ne faut pas voir là l’explication du nom « col des maures » « bocca di i mori »? Un peu loin de Girulata mais la peur donne des ailes. Alors pourquoi pas?

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L’arca

Il fut un temps où c’était un joli chemin bordé de murs en pierres sèches qui conduisait de Bardiana à la rivière. En ce temps là, il fallait descendre et remonter à pieds. Il semblerait que le goût de la marche ait disparu en même temps que le chemin puisque désormais, c’est en voiture ou en moto qu’on va au fleuve. Dommage.

Il fallait passer par une passerelle périlleuse faite de troncs roulants sur des poutres métalliques. Première frayeur. Et frayeur encore en passant devant la fosse commune où bien sûr l’occasion était parfaite pour évoquer squelettes, fantômes et revenants.

L’arca.

Il est facile de la trouver. Après la passerelle, sous les aulnes, il faut être attentif. Sur de gros rochers sur la droite en bordure du chemin, on distingue des blocs de pierre taillés. C’était les fondations de la chapelle de San Quilicu qui a donné son nom au trou d’eau tout proche qui est une des plus belles piscines naturelles du Fangu.

L’arca devait être un peu plus à droite dans le bouquet d’arbre.

L’arca c’était une tombe collective, sorte de chambre souterraine voutée à orifice étroit fermé par une dalle de pierre, accolée à l’église ou creusée sous celle-ci. Il se dit mais c’est sans doute une erreur que c’était une fosse commune dans laquelle on jetait les corps. Dire celà, c’est méconnaître le respect qui était dû aux défunts. Etre enterré dans l’arca, c’était être au plus près de l’église et d’une certaine façon continuer d’appartenir à la communauté pour l’éternité.

Si j’en crois ce que j’ai pu lire ici ou là, (site Poggiolo) la sépulture en arca n’était pas bien vue des autorités ecclésiastiques. Ainsi, dès le XVI° siècle, la constitution de Mgr SAULI, évêque d’Aleria, imposait d’ensevelir les morts dans les cimetières et non dans les églises, à moins d’avoir la permission de l’évêque. En 1776, un Edit Royal interdisait les sépultures dans les églises insulaires, et en 1789 un Décret de la Révolution ordonnait la création de cimetières, sans grand succès en Corse.

Il existe divers exemples dans le Sud notamment, où l’arca a encore servi pour ensevelir des victimes d’épidémie dans une période assez récente. Ainsi à Vico où furent enterrés les 40 habitants d’Arbori victimes du choléra en 1816. Dans une autre partie de la Corse, celle de Zevaco fut exceptionnellement réutilisée pendant l’épidémie de grippe espagnole, de mai 1918 à janvier 1919.

Je serais bien en peine de donner autant de repères chronologiques pour la chapelle de San Quilicu. Je n’ai pas de documentation qui traite du sujet. Le hameau de Bardiana, le plus proche, n’existait pas encore et la vallée n’était peuplée qu’en hiver par les bergers niolains et leurs familles. Il faut remonter jusqu’à Candela pour trouver trace des plus vieilles maisons. On peut penser que le Filosorma était une vallée plutôt déserte avec quelques bergeries dont on découvre ici ou là, les ruines. Je crois aussi que la chapelle de San Quilicu vu la taille de ses fondations, était plutôt un oratoire.

En définitive, l’histoire de l’arca est possible mais je n’y crois pas trop. D’autant qu’il existait dans la vallée, deux édifices religieux tout à fait importants. L’église donc…Santu Pietru di Chiumi, pieve de Chiumi, qui date de la fin du 10e siècle et le couvent de Sainte Marie fondé en 1230, le couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile.

A cet endroit, il y avait à l’évidence une arca. Mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Respect des morts.

Alors, peut être qu’il n’y a rien de spécial en descendant vers le pozzu de San Quilicu. Mais c’était bon d’avoir peur.

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Ninu

Ce n’est pas que je ne veux pas faire vivre ce blog mais j’ai un métier qui me prend beaucoup de temps ! Et qui me fait manger. Donc, le choix est vite fait. Je profite d’un instant de calme pour revenir vers vous et vous raconter comment j’ai réalisé un rêve de gosse.

Quand j’étais enfant, j’étais passionné par la pêche. La première fois où j’ai été pêcher c’était avec mon oncle et un voisin dans le ruisseau de Calasima. J’avais pris six truites. Elles devaient avoir faim.

Comme partout, au Niolu où je passais quelques jours, chacun racontait la sienne. Et, j’écoutais avec un grand intérêt ceux qui étaient monté au lac de Ninu où, disaient-ils, les truites étaients petites, mais vives et délicieuses à condition de les manger sur place car leur chair était fragile puisqu’elles vivaient dans une eau très froide.

Il m’aura fallu beaucoup, beaucoup d’années pour aller à mon tour pêcher là haut.

Entretemps, il m’est arrivé plusieurs fois de passer par le lac en faisant le GR ou faisant avec mes enfants la transversale Corté Filosorma. Mais, à chaque fois, j’étais un peu frustré car je n’avais pas le temps de sortir la canne.

Ma femme me pressait depuis quelques années de monter au lac qu’elle avait vu à la télévision. Elle voulait photographier les pozzine. Moi, je m’étais mis à la mouche depuis quelques années. Deux bonnes raisons de faire cette belle randonnée et de vous en faire profiter avec ses photos et mes mots.

Une nuit à Castel Vergio dans une chambre avec balcon tout à fait sympathique et départ tôt le matin pour une randonnée en aller retour.

Il ya d’autres points de départ possibles, en particulier de la maison forestière de Popaja. C’est plus direct mais là, nous arrivions de l’extrême sud et il nous fallait dormir sur place.

Ce n’est pas une promenade. 18 kilomètre pour faire l’aller retour et 1000 mètres de dénivelé.

Par contre, il est impossible de se perdre car le chemin est balisé en rouge te blanc et très fréquenté.

Le point de départ est un peu plus bas que la station, sur la droite de la route. Le chemin descend assez fort pour ensuite prendre la courbe de niveau puis s’élever à nouveau en direction du col de Saint Pierre. Il monte toujours vers les crêtes au travers d’arbres de plus en plus rares. C’est là qu’on trouve les hêtres les plus photographiés de Corse, martyrisés par le vent. Le chemin longe la crête, pierreux et un peu vertigineux par endroit mais rien de bien méchant. Il finit par rejoindre a Bocca a Reta d’où on découvre le lac.

C’est un endroit magique avec les chevaux qui paissent et s’abreuvent dans les pozzine…et qui parfois tentent d’améliorer l’ordinaire en furetant dans les sacs à dos avec plus ou moins de délicatesse.

On peut faire le tour du lac mais faites attention à ne pas trop piétiner ce gazon qui est d’une fragilité extrême,

Le retour se fait par le même chemin. Et la descente du départ se révèle être une méchante montée lorsqu’on a quelques heures de marche dans les jambes.

Sinon, la pêche ? Rien. Il y a des truites mais d’une méfiance absolue. Très petites, très vives et qui vous voient très vite et qui s’enfuient dans ces rigoles qui courent dans la prairie. J’en ai vu, beaucoup. Aucune de prise mais ce n’est pas grave. D’abord parce que je relache mes prises et ensuite parce que le but était de poser ma mouche dans le lac et de réaliser un vieux rêve. Mission accomplie.

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Mésange bleue capiniella cappellina cianciafrì scappelluccetta…

Un billet pour évoquer un oiseau assez étonnant. Déjà, lorsque j’ai voulu traduire son nom en langue corse, j’ai trouvé une dizaine de résultats avec quelques variantes. Pour le titre, j’en ai choisi deux ou trois mais vous trouverez la liste complète sur la remarquable et souvent conseillée, base de données ADECEC INFCOR.

Je n’ai plus les photos de mes vacances passées et je le regrette. Car, la familiarité de la mésange bleue est tout à fait incroyable au point que j’en avais une en train de manger dans ma main pendant qu’une autre s’était perchée sur ma tête.

11 à 12 cm, pour un poids 9 à 12 g. Un petit oiseau et un bel ambassadeur pour la vallée du Filosorma puisque la population de ces oiseaux est étudiée depuis 1976 par le CNRS de Montpellier installé à la maison forestière de Pirio.

La mésange bleue et d’autres passereaux dont je vous livre (à la fin) les noms corses puisque l’idée est aussi d’enrichir son vocabulaire.

J’ai retenu deux choses de ce que j’ai appris sur cet oiseau en discutant d’une part avec ceux qui posent et étudient les nichoirs, on les trouve dans la forêt de Pirio ou sur la route forestière, et d’autre part en lisant les nombreux articles qui lui ont été consacrés.

De ces deux choses, une m’a étonné et l’autre m’a inquiété car on y voit au travers du destin de la mésange, comment va évoluer notre propre avenir.

Pourquoi étonné ? Parce que l’oiseau est un grand malin qui gère fort bien la santé de sa couvée.

Il faut savoir que la mésange niche dans un trou, d’arbre ou de mur, partout où ses prédateurs ne pourront pas l’atteindre. Elle fait son nid, comme ses amis à plumes, avec de la mousse et des brindilles. Mais elle y ajoute de la lavande, de la menthe et des immortelles. Toutes ces plantes sont connues pour avoir des propriétés antiseptiques et donc éloigner les parasites, notamment certaines puces qui se nourrissent du sang des oiseaux. Un hasard ? Que nenni !

Pour mieux comprendre cette affaire, un ornithologue, Marcel Lambrechts et son équipe, installées donc à Pirio, ont attendu que les oisillons soient nés. Ils ont alors enlevé les herbes aromatiques. Alors, les mésanges partaient immédiatement, à la recherche de ces herbes manquantes et attention, elles ne ramenaient que les aromatiques dont elles avaient besoin. Même si pour cela, il leur faut aller à plusieurs centaines de mètres. Donc, leçon numéro un, elles connaissent les odeurs et leçon numéro 2, elles savent protéger leur nid contre les parasites. Comme nous ! L’histoire ne dit pas si elles ont apprécié le travail supplémentaire occasionné par l’éxpérience.

Pourquoi inquiété ?

Parce que la mésange adapte sa reproduction à la quantité de nourriture dont elle aura besoin pour ses oisillons. Et en particulier à la population de chenilles. C’est l’aliment le plus riche en eau et protéines. Dans le Filosorma, l’oiseau a parfaitement adapté son cycle grace à la présence du chêne vert en abondance. Sur le continent, où a été conduit une enquête en parallèle, c’était le chêne blanc qui dominait et il a été remplacé progressivement par le chêne vert. Arbre qui produit des feuilles plus tard. Comme les mésanges continuent à pondre au même moment, elles s’épuisent à chercher la nourriture et meurent davantage. Deux fois plus.

Oui mais pourquoi ça m’inquiète..parce que c’est un effet, un de plus, du réchauffement climatique qui bouleverse les conditions de vie des espèces en modifiant en profondeur, tous les milieux..forêts..rivière..  « ..Une sélection au sens darwinien du terme va se mettre en place, estime l’un des chercheurs de Montpellier. Et l’on peut être inquiet pour les espèces qui s’adapteront mal…».

Pas certain que nous fassions partie de ces espèces qui s’adapteront le mieux.

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Pulenta e bone feste a tutti.. Pulenta et bonnes fêtes à tous

Pourquoi est ce que je n’y ai pas pensé plus tôt ?

Pourtant des figatelli de la Casinca sont en train de sécher et ils seront à point pour Noël. Alors,oui c’est bon avec des lentilles et même avec de la purée de pommes de terre. Mais, avec une pulenta..là c’est le mariage idéal et un retour vers ce qu’étaient mes Noëls d’avant.

Je sais pourquoi, je n’y ai pas pensé.Parce que les plaques à induction, ça ne va pas avec la pulenta. Ce n’est pas une affaire de cuisson. Mais la marmite glisse sur ces fichues plaques et il faut être deux pour ce qui, il faut le dire,relève un peu d’une épreuve sportive. Tenir, tourner, tourner encore.

Alors, qu’est ce qu’il nous faut ?

Pas grand-chose en vérité car la recette est simple. 1 kg de farine de châtaigne, 1,5 litre d’eau, et3 indispensables pincées de sel. Farine de qualité ! Castagniccia bien sûr mais je préfère celle du Niolu, et pas seulement pour une affaire de racines familiales. Il me semble que l’altitude rend les fruits plus sucrés et la pulenta plus savoureuse. Faites comme vous voulez. Les producteurs de qualité ne manquent pas.

Dans une marmite, vous allez porter à ébullition l’eau et le sel et verserez au fur et à mesure la farine tamisée, en pluie, tout en tournant avec le « pulendaghju ».C’est quoi le pulendaghju ? C’est un bâton de de 3 à 5 cm de diamètre. Un manche à balai bien propre à la bonne taille fera l’affaire. Sinon prenez un manche de cuillère en bois. Faire tenir la marmite..à l’aide d’un ami,, et tournez en rajoutant la farine jusqu’à une consistance épaisse et homogène, continuer à cuire à feu doux jusqu’à ce qu’une bulle de vapeur éclate…avec un bruit caractéristique…elle spouffe et j’entends encore Maman dire « ci vole ch’ella spuffi » « il faut qu’elle spouffe »et que l’ensemble se détache des parois. Suivant la quantité, il vous faudra de 15 à 25 minutes…

Ensuite, vous versez la pulenta sur un torchon fariné ou une planche farinée mais c’est moins bien. Et vous découpez en tranches, au couteau si vous êtes un barbare et au fil pour être dans la tradition.

Figatellu bien entendu mais aussi,c’est ce que je préfère..œufs frits avec du fromage frais et le sommet, encore faut-il en avoir, la complète..œufs frits avec fromage et bulagna. La joue de porc.

 Pas d’analyse de sang pendant une semaine et joyeuses fêtes.

Ne pas oublier…les restes s’il y en a… Faites les dorer, dans une poêle huilée et mangez les chaud.

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Capu Tafunatu.

Le Tafonato, la montagne trouée, est selon moi le plus beau sommet de Corse. Haute d’un peu plus de 2300 mètres, avec un sommet en arête et comme son nom l’indique, un trou ou plutôt une arche. 35 mètres de large pour 10 mètres de haut tout de même. Et discrète avec ça ! Comme elle n’est séparée de l’imposante Paglia Orba que par le col des Maures, on peut penser qu’il ne s’agit que d’une seule montagne. Et vu de loin, le trou est souvent confondu avec une plaque de neige et nombreux sont les touristes qui ne remarquent pas cette curiosité géologique.

Le trou est bien visible depuis Bardiana. Et quand j’étais gamin, c’était un sujet de conversation pour ne pas dire de fantasme. Il y avait ceux, les fanfarons, qui prétendaient y avoir été. Moi, je suis rentré dans le trou !! Ils inventaient des passages avec des échelles, des précipices effrayants et même si on ne les croyait pas, on les écoutait avec intérêt car toutes ces histoires nourrissaient la légende. Car bien entendu, légende il y avait. Et comme toujours, le diable était de la partie.

Donc, il était une fois…au temps où saint Martin gardait les troupeaux dans le Niolu il reçut la visite d’un étranger qui lui demanda s’il pouvait travailler pour lui. L’homme était un vagabond. Le saint qui était bon, bien entendu, l’avait pris comme employé mais dès la première nuit, dans la bergerie, il s’était aperçu que son domestique endormi, sentait le soufre.

Le lendemain matin, Martin dit au berger qu’il savait qui il était et qu’il ne pouvait travailler avec le diable. Celui-ci, s’était mis dans une terrible colère et avait décidé de rester dans le coin pour lui faire concurrence.

Le diable déguisé une fois de plus avait été trouver les chefs des villages du Niolu pour leur proposer de construire un pont sur le Golu, pont qui faisait défaut. Il demandait en échange une âme à choisir dans le canton. Un niolain, méfiant, avait décidé de demander conseil à Saint Martin… Quelques heures plus tard, lorsque le diable revint, les villageois donnèrent leur accord mais le pont devait être complètement achevé en une nuit, c’est-à-dire, avant que ne chante le coq. Toutes les forces de l’enfer se mirent au travail et pendant toute la nuit, on entendit près du Golo un vacarme épouvantable.  Le pont était presque achevé.  Une seule pierre restait à poser. La clé de voûte du pont.

Alors un homme qui était resté caché toute la nuit dans le maquis en surveillant les travaux, sortit de dessous son manteau un coq. Le coq se mit à chanter. Le pont n’était pas fini et le coq avait chanté. Le diable fou furieux d’avoir été berné poussa un cri affreux et de rage et lança son marteau dans les airs. Le marteau alla frapper la montagne pour y faire le trou pour retomber ensuite dans le golfe de Galeria.

J’ai attendu bien des années mais j’ai fini par aller dans le trou du diable. Pas très difficile à trouver. Du col de Vergiu, il faut suivre le GR par la vallée de Tula jusqu’au refuge de Ciottuli, remonter vers le col des Maures et rejoindre le trou par la vire bien visible. Pas difficile à trouver mais attention, le passage est très dangereux. Une erreur et c’est la chute mortelle assurée. C’est déjà arrivé. Donc, ne vous lancez dans l’aventure que si vous avez le pied sûr, très sûr et ne souffrez pas du vertige.

Un trou creusé par le diable… il faut y aller avec précaution !

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Je l’ai connu cerisier.

Il y a quelques jours en réunion, la conversation tournait autour de quelqu’un qui malgré une promotion, ne faisait pas grand-chose pour ne pas dire rien.  J’avais l’esprit vagabond. Après un petit soupir, j’ai dit que je n’étais pas surpris car je l’avais connu cerisier.

Cerisier…surprise dans l’assemblée car personne, et c’est normal, ne voyait le rapport entre un arbre et la personne en question. Et voilà comment, je me suis trouvé en situation de raconter une histoire corse. D’où elle vient, je n’en sais rien. Mais après coup, tout le monde a compris ce que je voulais dire.

Il était une fois dans un village, un cerisier. Un arbre magnifique. Au printemps, ses rameaux nus étaient couverts de fleurs. Un peu en retrait de la route, il n’appartenait à personne et aurait pu faire le bonheur de tous les gourmands s’il avait donné des fruits. Il n’en donnait aucun. Les oiseaux l’ignoraient, les amateurs de confitures avaient pour lui un profond mépris et il vivait dans l’indifférence, sa vie de cerisier stérile.

Il a fini par sécher. Sa perte bien entendu, ne désolait personne. Un paroissien avait alors une idée tout à fait pertinente. Le bois était de bonne qualité. Il fallait en faire un grand crucifix qui manquait justement à l’église. L’histoire ne dit pas qui s’est chargé de l’opération mais au bout de quelques mois, un crucifix de belle taille faisait l’admiration de tous les fidèles.

Les années ont passé.

Dans le village, le moral était au plus bas car une sècheresse terrible durait depuis des mois. Les ruisseaux ne couraient plus et la rivière était agonisante. L’arrosage était devenu presqu’impossible et si la nature souffrait, les jardins souffraient encore plus et avec eux les villageois car je vous parle d’une époque où les humains n’allaient pas chercher les légumes au camion ou au supermarché.

Le maire n’y pouvait rien. Il avait donc laissé le curé prendre les choses en main. Celui-ci avait proposé de faire une messe d’action de grâce suivie d’une grande procession. L’église était pleine. Et la dévotion à la mesure de l’urgence. Après la messe, tous se réunirent à l’extérieur pour partir en cortège. Chants, enfants de chœur, encens et en tête du cortège, porté par quatre hommes vigoureux, notre crucifix.

De mémoire d’homme, il n’y avait jamais eu une aussi belle procession. Tous les hameaux avaient été visités et jamais les chants n’avaient faibli. En rentrant à l’église puis chez eux, les villageois sentaient au plus profond qu’ils avaient fait ce qu’il fallait.

Oui mais, une semaine après le ciel était toujours aussi bleu et les humeurs aussi sombres.

Un soir, près de la fontaine bien sèche où se réunissaient les gens, un homme avait fait remarquer que promener le crucifix n’avait rien rapporté. On avait alors entendu un vieux, mais un très vieux, lui répondre « ça ne m’étonne pas… je l’ai connu cerisier »

Il a fallu qu’il s’explique comme je l’ai fait il y a quelques jours. Un petit peu de légende corse dans une réunion très sérieuse ça ne fait jamais de mal.

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Lettre ouverte à un imbécile.

Il ne lira pas ce billet. Pourtant je lui dédie. A celui qui cet été, a mis le feu à Candela. Je ne sais pas qui il est. Touriste imprudent, chasseur voulant nettoyer le maquis, être malade ou méchant. Quelle importance.
J’ai connu des gens qui avaient mis le feu. Des bergers voulant faire de la pâture sur brulis, villageois préparant un poste pour la battue en brûlant des ronciers et même des gamins assez perturbés pour allumer le feu tout près du village.
Dans la plupart des cas, le feu leur échappait comme une créature néfaste à qui on donne naissance et qui vous fuit en vivant sa propre vie. J’ai vu celui qui avait failli incendier la vallée courir comme un fou quand il a vu que le vent poussait le brasier plus loin que sa parcelle et sautait la rivière. Je connais celui qui pour le confort de ses vaches a fait monter en fumée la haute vallée de Bocca Bianca. Pendant des jours, un nuage noir a couvert les montagnes. Pas de canadair à l’époque. Le feu s’est arrêté quand il l’a voulu. Je sais qu’il regrette car détruire la forêt n’était pas son but. Mais c’est ce qu’il a fait.
Je voudrais dire ma souffrance quand je remonte la rivière et que je vois les arbres noircis pareils à des squelettes, des reproches vivants pour la bêtise des hommes. De certains en tous cas.
Ma mère me racontait que son père (ce qui nous place au 19ème siècle) lui expliquait qu’on pouvait marcher à l’adret, des Force au Mansu sans voir le soleil car la forêt de chênes était épaisse. Il n’en reste rien. Les chênes ont brûlé. Le maquis haut est venu et puis il a brûlé à son tour laissant place au maquis bas puis après un dernier incendie, c’est le lavandin qui est venu sur une terre appauvrie et emportée par les pluies d’automne.
J’aime profondément le Filosorma parce que mes racines s’y trouvent mais aussi parce que l’endroit est beau. D’une beauté sauvage et triste comme le sont toutes les choses éphémères. Quelques secondes d’inattention ou de bêtise assumée et ce sont des siècles qui disparaissent. Il ne restera bientôt que le souvenir des forêts mortes.
Est-ce que celui qui fait ça a conscience de l’endroit qu’il saccage ?
La rivière et la vallée du Fango font partie d’un site Natura 2000 et de l’une des douze réserves de biosphère de France. On y trouve, pour combien de temps encore, une des plus belles forêts de chênes vert d’Europe, des pins laricio et une faune endémique remarquable. Sittelles, mésanges, gypaète, mouflon, crapauds, lézards…
Comment se mettre dans la tête de quelqu’un capable de détruire tant de choses par bêtise ou méchanceté ? Je n’y arrive pas. Mépris, colère. Et surtout une tristesse infinie devant cette misère dans laquelle il n’y a pas de fatalité mais une habitude silencieuse et complice.

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