Il fut un temps où c’était un joli chemin bordé de murs en pierres sèches qui conduisait de Bardiana à la rivière. En ce temps là, il fallait descendre et remonter à pieds. Il semblerait que le goût de la marche ait disparu en même temps que le chemin puisque désormais, c’est en voiture ou en moto qu’on va au fleuve. Dommage.
Il fallait passer par une passerelle périlleuse faite de troncs roulants sur des poutres métalliques. Première frayeur. Et frayeur encore en passant devant la fosse commune où bien sûr l’occasion était parfaite pour évoquer squelettes, fantômes et revenants.
L’arca.
Il est facile de la trouver. Après la passerelle, sous les aulnes, il faut être attentif. Sur de gros rochers sur la droite en bordure du chemin, on distingue des blocs de pierre taillés. C’était les fondations de la chapelle de San Quilicu qui a donné son nom au trou d’eau tout proche qui est une des plus belles piscines naturelles du Fangu.
L’arca devait être un peu plus à droite dans le bouquet d’arbre.
L’arca c’était une tombe collective, sorte de chambre souterraine voutée à orifice étroit fermé par une dalle de pierre, accolée à l’église ou creusée sous celle-ci. Il se dit mais c’est sans doute une erreur que c’était une fosse commune dans laquelle on jetait les corps. Dire celà, c’est méconnaître le respect qui était dû aux défunts. Etre enterré dans l’arca, c’était être au plus près de l’église et d’une certaine façon continuer d’appartenir à la communauté pour l’éternité.
Si j’en crois ce que j’ai pu lire ici ou là, (site Poggiolo) la sépulture en arca n’était pas bien vue des autorités ecclésiastiques. Ainsi, dès le XVI° siècle, la constitution de Mgr SAULI, évêque d’Aleria, imposait d’ensevelir les morts dans les cimetières et non dans les églises, à moins d’avoir la permission de l’évêque. En 1776, un Edit Royal interdisait les sépultures dans les églises insulaires, et en 1789 un Décret de la Révolution ordonnait la création de cimetières, sans grand succès en Corse.
Il existe divers exemples dans le Sud notamment, où l’arca a encore servi pour ensevelir des victimes d’épidémie dans une période assez récente. Ainsi à Vico où furent enterrés les 40 habitants d’Arbori victimes du choléra en 1816. Dans une autre partie de la Corse, celle de Zevaco fut exceptionnellement réutilisée pendant l’épidémie de grippe espagnole, de mai 1918 à janvier 1919.
Je serais bien en peine de donner autant de repères chronologiques pour la chapelle de San Quilicu. Je n’ai pas de documentation qui traite du sujet. Le hameau de Bardiana, le plus proche, n’existait pas encore et la vallée n’était peuplée qu’en hiver par les bergers niolains et leurs familles. Il faut remonter jusqu’à Candela pour trouver trace des plus vieilles maisons. On peut penser que le Filosorma était une vallée plutôt déserte avec quelques bergeries dont on découvre ici ou là, les ruines. Je crois aussi que la chapelle de San Quilicu vu la taille de ses fondations, était plutôt un oratoire.
En définitive, l’histoire de l’arca est possible mais je n’y crois pas trop. D’autant qu’il existait dans la vallée, deux édifices religieux tout à fait importants. L’église donc…Santu Pietru di Chiumi, pieve de Chiumi, qui date de la fin du 10e siècle et le couvent de Sainte Marie fondé en 1230, le couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile.
A cet endroit, il y avait à l’évidence une arca. Mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Respect des morts.
Alors, peut être qu’il n’y a rien de spécial en descendant vers le pozzu de San Quilicu. Mais c’était bon d’avoir peur.
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