Quelques oiseaux corses..

Il y a en Corse, 300 espèces d’oiseaux. Et l’insularité fait de la Corse, un site remarquable pour l’hivernage et la nidification. Certaines espèces sont endémiques comme la sitelle corse ou la moins connue, pie-grièche à tête rousse   .

J’ai pu en observer beaucoup. Par contre, je ne connaissais pas toujours leur nom français et pas du tout, pour certains en tous cas, comment on les nommait sur place. D’où l’idée de ce billet qui propose de découvrir les espèces les plus courantes avec leur nom corse.

Vous trouverez les photos de tous les oiseaux ici et leur nom corse sur l’incontournable site de l’ADECEC INFCOR.

Près des villes et surtout des villages, les oiseaux sont nombreux. J’ai écrit ici un article sur l’étonnante mésange bleue. Une pensée pour l’hirondelle des fenêtres dont le nid était toujours au même endroit quand je montais voir mon oncle et mes tantes à l’Acquale. J’observais les petits et les « aller-retour » des parents qui venaient les nourrir. Défense absolue de leur faire du mal. L’hirondelle portait bonheur. Et comment ne pas citer la chanson d’Antoine Ciosi..

Corri corri o zitellina…cours cours petite fille..Corri ùn ti lascia piglià, cours et ne te laisse pas attraper..Fà cume a cardellina..fais comme le chardonneret..In gabbia ùn ci vole à stà. Qui en cage ne veut rester..

La nuit, on entend le hibou mais il est plus rare de voir l’effraie. Ca m’est arrivé un soir où elle est venue se poser sur la route à quelques mètres, sans doute pour achever quelque rat qu’elle avait chassé. Et une autre fois, bien triste, clouée sur une porte de grange en Balagne. Ce magnifique oiseau est réputé pour porter malheur. D’où son nom..malacella..l’oiseau de mauvais augure. Pas de commentaire. Je me mettrais en colère.

Le geai..pas si mal avec du riz..mais il doit cuire longtemps..la grive est bien meilleure mais à tout prendre, je préfère qu’on lui fiche la paix. Alors deux anecdotes sur les oiseaux du maquis. Une vraie et une fausse ou pas. On m’avait toujours dit qu’on ne trouvait la corneille mantelée qu’en Corse. Et bien non ! J’en ai vu pendant un trek dans les îles Lofoten et en fait, elle est assez répandue en Europe. Ce qui est vrai en revanche, c’est qu’on ne la trouve pas en France continentale. La sittelle, elle, est endémique. Enfin, une histoire cocasse à propos du coucou. Tino Rossi chantait «  a canzona di u cuccu »..prononcer « couccou ». Il se dit, mais il se dit tant de choses que les touristes voulant acheter le disque, prononçait à la française..le « u »..ce qui faisait mourir de rire les vendeurs.

L’aigle, on l’aperçoit. Un point, très haut dans le ciel..le chocard..lui si vous montez à Melu et Capitellu, vous le verrez de près, trop près même si vous avez de la nourriture.

Ah les oiseaux qui vivent près de l’eau…douce ou salée..le cincle qu’un gars du village avait salué d’un coup de fusil..pas de commentaire là non plus.et enfin le balbuzard dont j’évoque ici le destin douteux.

Et enfin..le plus beau…que je n’ai jamais eu  la chance de voir..le guêpier.. s’il fallait une preuve que les oiseaux sont des bijoux avec des ailes..la voici!

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Jurons et autres blasphèmes…parullacie e ghjasteme.

anthologie des expressions corses de Fernand Ettori

Il y a quelques temps, un ami continental m’a demandé comment se traduisait un mot qui se trouvait être très grossier. Je lui ai répondu que je n’en savais rien et que, jamais, je n’avais entendu prononcer de telles obscénités en Corse.

Et c’est vrai que si les jurons et les blasphèmes sont monnaie courante, les insultes de nature sexuelle en particulier, sont inexistantes. Sauf dans les stades, où elles ont été importées et corsisées à l’usage des arbitres et joueurs adverses. On a connu des apports plus profitables. Mais passons.

L’explication que je vois est liée selon moi, à deux choses. La pudeur et le risque pris en insultant. La susceptibilité n’est pas une légende.

Alors, voilà ce que je peux dire sur la base de ce que j’ai pu entendre et en utilisant l’excellent livre « Anthologie des expressions corses de Fernand Ettori ». L’auteur note tout d’abord l’évolution du corse « commun » vers un corse « poli » dans lequel tout ce qui touche au sexe et aux fonctions dites naturelles, est dit de façon détournée. U culu, le cul devient le derrière, le sexe masculin devient « e vergogne » les parties honteuses et le féminin « a natura ». La fontaine ne pisse plus mais elle court. Et on essaie d’oublier ce que l’homme a en commun avec les animaux. Après un repas où j’avais trop mangé, j’ai écarté mon assiette en disant « so techju e lasciami stà ! » Ah, la tête horrifiée de mes pauvres tantes qui m’ont crié qu’il ne fallait pas dire ça. Et oui, on gave les cochons. Pas les enfants.

Pour autant, dans les limites dont je viens de parler, il y a bien des insultes et des jurons en Corse. Souvent issus du monde animal. D’une personne noire de peau, collante ou peu sympathique, on dira que c’est une tique..una zecca voire un pou ..un pidoghju..l’âne u sumere.. bien sûr est synonyme de bêtise ce qui est très injuste…le chien..u cane.. Et l’utilisation du suffixe péjoratif « acciu » augmente l’effet..Sumeracciu, canacciu..sale âne..mauvais chien.. Et purcacciu..le cochon, le  salopard c’est très agressif. En fait, il faut aussi prendre en considération, la dimension orale. Dit avec le sourire « sumerone » soit grand âne peut avoir une signification affectueuse. Une petite mention au très répandu « puttana gobba » ..soit « putain bossue »..qui ne s’adresse pas à quelqu’un mais à soi même quand quelque chose ne va pas.. un coup de marteau sur le doigt et pan..puttana gobba .

Après, nous trouverons les expressions marquées d’une empreinte religieuse. On ne dit pas « va te faire foutre. » mais « va te faire lire » . vai da fatti leghje en rapport avec le livre que l’exorciste passe sur la tête du possédé.

Et puis vient la longue compagnie des blasphèmes… Tout y passe.. Dieu ..Diu..le Seigneur..u Signore..le Christ..Cristu..et tous les saints..Il sont précédés de « per » Per Diu..Pardieu ! mais aussi de Sang ..sangue qui est la forme abrégée de per le sang du  Christ.. Sangu la Madonna..Sangu lu Cristu. Et parfois, on va loin dans le blasphème, à coup de « porca Madonna » « sale Madone »  ou Cristacciu et Madunaccia..Mauvais Christ..Mauvaise Madone.

Enfin et c’est ce que je préfère, les imprécations souvent imagées et presque poétiques. On souhaite le mal en commençant par « chi tu sia » que tu sois..et après festival. Chi tu sia cecu…aveugle..le pas gentil ..chi tu crepi..que tu crèves..ch’elli ti manghjini i corbi in vangaronu..que les corbeaux te mangent dans un ravin..et mon préféré « ch’ella s’imprunisce a to porta » que ta porte soit envahie par les ronces.. La ruine. La maison abandonnée. On touche l’individu, sa maison et sa lignée. Très cruel.

Tout ce qui précède est à utiliser avec modération et peut être même pas du tout. Mais s’il faut hausser la voix, il vaut mieux se servir de cette liste plutôt que de grossièretés importées.

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Tortue, cistude, cupulatta e testughjine

Cistude dans le delta du Fangu

Un petit article pour dire deux ou trois choses sur une tortue insulaire et pour, à travers cet exemple, montrer une fois encore, la parenté évidente entre le corse et le latin.

On trouve dans l’île plusieurs espèces de tortues. La plus connue c’est la tortue de Hermann. Elle vit sur terre et si elle est plutôt commune dans le Sud, elle est plus rare dans le Nord. On la nomme « a cupulatta » Un village lui est dédié. Géré par le Parc, on le trouve à Moltifao.

Plus rare, mais sa présence est attestée, est la tortue marine « caouanne ».

Et enfin, celle dont je veux parler. La cistude d’Europe. Elle se trouve dans les eaux douces. Sa carapace ovale et aplatie est ornée de points jaunes. Vous pourrez l’observer sans aucune difficulté en train de prendre un bain de soleil, son activité préférée, dans l’embouchure du Fango. Les promenades en kayak sont organisées et c’est une heure de tranquillité dans un paysage étonnant (leur site).

C’est d’ailleurs à cet endroit que j’ai été contredit lorsque j’ai dit que la cistude se retrouvait plus haut dans le fleuve. Ma Mère m’en avait parlé et je n’ai pas de raison de douter de cette présence, Même si, en effet l’habitat ne semble pas favorable puisque cette tortue a besoin d’une eau calme et d’une végétation abondante. Peu importe.

Ce qui est intéressant dans cette histoire c’est son nom. Lorsque je fréquentais l’association « Casa Corsa », un de ceux qui enseignait la langue, Jean-Pierre Mattei pour ne pas le citer nous avait parlé de la tortue et donné la traduction. Cuperchjata ou cupulatta. Je lui avais dit que par chez moi, on appelait la tortue « a tistughjina ». Il ne le savait pas ce qui était étonnant car c’était un vrai dictionnaire. En fait, l’explication est simple. Chez lui, il n’y avait que des tortues terrestres. Et chez moi, il était possible de trouver des tortues aquatiques. Des cistudes.

Cuperchjata ou cupulatta , noms qui font à l’évidence, référence à la forme de l’animal. Couverte ou coupole.

Testughjina, que j’ai toujours entendu prononcer « tistughjine » est bien plus intéressant d’un point de vue linguistique. En latin, et c’est d’ailleurs le nom de la famille, on va retrouver le nom scientifique de « testudines ». L’ordre des Testudines comprend les tortues d’eau douce, les tortues terrestres et les tortues marines. Le nom utilisé dans le Filosorma est donc plus proche de la réalité scientifique. Et il est tout fait cohérent avec le nom de « cistude » qui est l’appellation de la tortue d’eau présente par chez nous.

J’ai souvent noté la parenté évidente entre corse et latin. Et on recense une quantité de mots qui ont été conservés tels quels. La liste n’est pas complète et j’ai eu la curiosité de comparer avec les autres langues latines pour voir les apports et les évolutions.

Bref..longue vie à la cistude dont je partage un peu la philosophie..un bon repas, une baignade et un bain de soleil Quoi de mieux ?

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La grotte des veaux marins..vitelli marini..

La Grotte des Veaux marins de Calvi le 19-05-2018 (site de Stephan Le Gallais)

Qu’il était long le voyage pour rejoindre le village ! Le bateau puis la « poste », qui faisait le grand tour par la côte en s’arrêtant partout pour laisser commissions et passagers.

Sur la route, pour me faire passer le temps, ma Mère me racontait des histoires sur les lieux . La parenté, des anecdotes.  Peu après le départ de Calvi, elle me montrait de loin, un endroit où se trouvait la grotte des « veaux marins ». Quand on est un enfant, je devais avoir six ou sept ans à l’époque, l’idée que des vaches et leurs veaux vivent dans une grotte près de la mer me paraissait étrange. Mais bon, pourquoi pas.

Plus tard, j’ai fini par lui demander ce qu’étaient ces fameux veaux marins. Elle m’a répondu que c’étaient des phoques. Quoi ? Des phoques en Corse. C’était très exotique. Pour moi, le phoque c’était le pôle. Maman m’a aussi dit qu’il y en avait de moins en moins car les pêcheurs les tuaient. Et oui, ils étaient concurrents !

En repensant à cette histoire, je me suis intéressé à la question de la présence du phoque en Corse.

Il y a beaucoup d’informations. Et, hélas, c’est une histoire triste.

Nous parlons ici du phoque moine méditerranéen. Une espèce en grand danger de disparition. Le courrier du Parc de la Corse de 1979 qui parle des espèces disparues dans l’île, évoque le phoque. On le trouvait dans quatre régions, le Cap, la côte entre Calvi et le Capo Rosso, la région de Tizzzano, Bonifacio et les îles Lavezzi. Ces régions présentent des grottes sous-marines dans lesquelles les animaux se reposent et mettent bas. Dans les années cinquante, ils étaient plutôt nombreux. Puis ils ont peu à peu disparu. La cause ? La chasse faite, en effet par les pêcheurs qui n’appréciaient pas de voir leurs filets troués. On cite, et ça laisse pantois, un groupe de phoques tués à la grenade en 1968, dans une grotte de Gargalo.

Les dernières fois où ils ont été signalés, c’est dans les années 70. Hélas, c’est parce qu’ils ont été tués au fusil, un au Capo Rosso et l’autre à Scandola. En 1973, des petits groupes sont signalés par des pêcheurs au large de Calvi. Et depuis plus rien.

La grotte des veaux marins existe bien (voir le site de Stephan le Gallais à qui j’emprunte les photos). Et la cartographie du Parc atteste cette présence passée.

Il reste moins de 500 individus en Turquie, Grèce et Chypre. C’est donc une espèce en danger d’extinction.

Le problème c’est que, et le courrier du Parc le souligne, pêcheurs ou pas, le phoque aurait disparu. La sur fréquentation touristique aurait dérangé les animaux sur leur site de reproduction.

Pour l’avoir constaté à l’occasion de mes nombreux voyages, l’observation des animaux sauvages est un atout touristique. Encore faut-il que les conditions de calme soient réunies.

Et quand on voit l’exemple de Scandola et du balbuzard, évoqué ici même, il n’y a guère de raisons d’être optimiste. Ce n’est pas demain qu’on reverra des phoques dans leur grotte près de Calvi.

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Nepeta et autres plantes…

C’est l’histoire d’une plante assez commune en Corse et qui commence à se faire un nom bien loin de l’île. C’est assez curieux de penser que pendant des années, j’ai cru que c’était de la marjolaine. On m’a trompé !

La nepeta de son nom complet « calament nepeta » n’est pas de la marjolaine. Et pas non plus de la menthe comme quelqu’un me l’a expliqué il y a peu.

C’est une plante à part de la famille des lamiacées parmi lesquelles on retrouve de nombreuses plantes aromatiques dont notamment la Menthe, le Thym, le Romarin, la Lavande, la Sauge, le Serpolet, la Mélisse, le Basilic, l’Origan, la Sarriette et la Marjolaine.

a menta..la menthe..l’arba barona..le thym..u rosumarinu..le romarin..a lavanda..la lavande..a salvia..la sauge..a pivarella..le serpolet…a melissa..la mélisse..u basilicu..le basilic..a rega..l’origan..a piveraghjola..la sarriette et dunque a carnepula..la marjolaine.

Vous l’aurez compris, c’est aussi l’occasion de vous donner les noms corses de toutes ces plantes qui ont en commun d’apporter quelque chose en cuisine.

La Corse est une terre de parfums. Le maquis bien entendu avec son mélange de saveurs chaudes mais pour moi, trois odeurs se distinguent. Celle de l’immortelle d’Italie qui embaumait les champs au-dessus de l’Acquale lorsque j’allais, enfant, chercher les brebis avec mes tantes pour les rentrer à la bergerie. Elle sentait encore en étant sèche et faisait en voiture le voyage retour avec la monnaie du pape. Une manière un peu triste de prolonger les vacances.  Celle, moins connue, de la menthe des bassins dont l’odeur quand on la froissait dans les mains était délicieuse. Et enfin la nepeta. Celle-là, elle est vraiment partout et on y fait peu attention. C’est un grand tort car en cuisine, elle est reconnue pour ce qu’elle est. Un produit qui va donner à vos sauces un goût très particulier. Mais attention, le trop est l’ennemi du bien et sa force commande qu’on n’en abuse pas au risque de tout emporter. J’ai même pu voir en faisant le tour du net que certains en faisait des tisanes, logique, et des sorbets ce qui est plus étonnant. Mon cousin, il se reconnaitra, s’il lit ces lignes, en a fait même fait une liqueur. Je croyais qu’il avait inventé quelque chose. Mais non, on en trouve dans le commerce. Ce n’est pas grave. La sienne restera la meilleure.

La menthe aquatique, comme la menthe insulaire, c’est pour moi l’omelette de compétition quand on la mélange avec du brocciu. Salade verte, omelette à la menthe et au brocciu ! Le repas des étés heureux.

Alors, j’ai de la menthe et de la nepeta chez moi. Quand une plante meurt, je charge celui qui va au village de me ramener une bouture.

« Et tout d’un coup, le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que […] ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. »

Même si notre sensibilité n’est pas celle d’un Marcel Proust, il nous arrive de connaître cette expérience, quand un parfum autrefois familier ou une bouchée de brioche nous plonge dans le passé.

Mais, j’ai beau faire. Le goût de l’omelette de ma mère, je ne le retrouve pas.

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A muntagnera.. Paroles, traduction et quelque chose en plus.

Entre le Fangu et le Niolu, passage obligatoire par le col de Caprunale. OLIVIER SANCHEZ/CRYSTAL PICTURES

J’ai déjà écrit un article sur cette chanson et voilà, un autre. Pourquoi ? Facile. C’est ma chanson corse préférée. Et je ne suis pas le seul à l’apprécier puisque ceux qui arrivent sur mon site, cherchent une traduction. Ils la trouveront un peu plus loin sur la page.

J’ai beaucoup de raisons pour aimer ce texte. Bien sûr, cette chanson est très belle et la poésie magnifiée par la musique et les voix de A Filetta.  Au-delà, il se trouve que celui qui l’a écrite était un cousin. Marcellu Acquaviva qui a écrit « l’acqualugia » recueil de poèmes dont a muntagnera. Originaire de l’Acquale di Lozzi, il s’inscrivait dans cette longue lignée de poètes de ce village. Pampasgiolu ou Peppu Flori dont il faudra que je parle un jour. Il m’avait offert son livre et me l’avait dédicacé. Ensuite, cette chanson me parle car elle décrit mon petit pays, Niolu et Falasorma au travers de son chant consacré à la transhumance. C’est la fin du mois de mai, début juin, et les bergers se préparent à la longue route qui va les ramener pour l’estive, des plaines vers les montagnes. L’envers du chemin qu’ils ont fait avant l’hiver pour rejoindre leur hivernage.

Lorsque j’étais gamin et que j’arrivais au village, les derniers troupeaux montaient et faisaient une dernière halte derrière la maison près de la vieille fontaine. Les clochettes annonçaient leur arrivée et ma Mère me réveillait pour que je profite de l’instant. Les bergers allaient au bar des Amis, le dernier avant de prendre la route forestière. Moi je regardais les bêtes et les chiens qui restaient sous les châtaigniers. Un jour, j’ai même vu un bouc sauvage attiré par les femelles qui était descendu et perturbait le troupeau. Son audace lui a valu un coup de fusil et je me souviens de ce grand bouc, hirsute qui avait les yeux bleus. Puis ils repartaient. La forte odeur des chèvres restait dans l’air, un long moment. Je crois avoir compris qu’il n’y a plus guère de troupeaux et que ceux qui font la haute route, utilisent des camions. C’est comme ça.

Le Filosorma était la terre de ceux de Lozzi mais également de Corscia. C’est sans surprise que les familles de ces villages se retrouvent dans chacune des vallées. C’est ce que rappelle la chanson. Et il y a même un sujet de propriété foncière puisque la commune de Manso, créée en 1864,  n’a pas de terrains communaux. Ils appartiennent aux communes niolines. Celui-là de sujet, je n’en parlerai pas davantage car trop technique, on ne peut pas dire qu’il soit distrayant.

Enfin, je connais tous les lieux dont parle a muntagnera. J’ai usé mes semelles, très jeune, sur le col de Caprunale pour aller à la pêche dans l’Onca et plus tard, j’ai fait la transversale en enchaînant les cols. Même au pas du troupeau, le parcours devait être sportif.

(1) Barghjana ou Bardiana…mon avis, c’est ici!

Autre époque. J’ai eu la chance de voir cette transhumance et la chanson me la rappelle.

Una nostalgia amara

Cum un sonu di ghitarra

U core face trimà

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La grotte de l’ours et les mammifères de Corse.

Quand j’étais gamin, nous entendions souvent parler au village, de la grotte de l’ours. Il se disait qu’un ours y avait vécu et qu’on y avait trouvé des ossements. La grotte existe bel et bien. L’excellent site sur le ravinisme en Corse décrit l’endroit qui fait partie du raid plus long qui passe par le Scaffone. Mais, est-ce qu’il y avait des ours sauvages en Corse ? Après avoir cru à sa présence, j’avais fini par penser que c’était une légende en lisant par exemple une fiche de l’inventaire national du patrimoine naturel. Nous pouvons y lire que, absent de la faune indigène corse, l’ours y a été introduit à la fin du Moyen Âge (15ème siècle), probablement sous la forme d’animaux apprivoisés destinés aux spectacles (Poplin et al., 1988 ; Vigne, 1999). Des individus échappés ou relâchés ont sans nul doute constitué de petites populations marronnes dans les zones montagneuses du nord et du sud de l’île, comme l’attestent de nombreux textes ainsi que des restes fossiles (Vigne, 1988 ; inédit). Et puis, je suis tombé un courrier du parc de la Corse daté de 1979 consacré aux animaux disparus. Il atteste de la présence de l’animal au travers de l’étude de diverses chroniques du 16ème siècle. Pour autant, il n’écarte pas la possibilité qu’il s’agisse d’animaux importés comme écrit plus haut et redevenus sauvages. Les ossements ? Ils ont bien été trouvés par un anglais nommé Forsyth Major mais des recherches approfondies menées en 1995 dans la grotte de l’ours pour en trouver d’autres n’ont trouvé que des os provenant de chèvres.

L’histoire est belle et c’est ce qui compte. J’aime bien l’idée qu’au-dessus de Montestremu et dans toute la haute vallée du Fangu, il y ait eu des ours.

Ce qui n’est pas douteux par contre, c’est la présence du cerf corse. Ma Mère, me disait avoir connu celui qui à la fin du 19ème avait tué le dernier cerf du Filosorma à l’époque où les forêts étaient encore épaisses de part et d’autre de la rivière. La présence cet animal est bien documentée et le courrier du Parc apporte toutes les informations nécessaires.

Ces espèces ont disparu. Et a disparu aussi avec l’arrivée de l’homme, le prolagus ou Lapin-rat.. l’homme qui a introduit les mouflons et les sangliers

Aujourd’hui le peuplement de mammifères terrestres sauvages est relativement pauvre : 39 espèces dont 22 espèces de chiroptères. La classe des mammifères terrestres (hors chiroptères) en Corse est limitée à 17 espèces. Elles appartiennent à cinq ordres : les insectivores, les carnivores, les ongulés, les rongeurs et les lagomorphes.

L’idée aujourd’hui est de donner les noms corses de ces animaux.

J’avoue mon ignorance sur le lérot. Pour les autres, j’ai eu la chance de tous les voir au moins une fois. Et ce sont de sacrés moments. Le chat sauvage, je l’ai croisé en faisant un footing. Il a traversé la route sans me sentir et cette rencontre en plein jour est plutôt rare. La belette c’est un de mes plus beaux souvenirs. J’étais descendu au fleuve pour me laver alors que le soleil déclinait. J’étais immergé et donc presque invisible. Une belette et ses petits sont venus boire au-dessus de San Quilicu à deux mètres de moi. C’était magique tout simplement.

Magique comme peut l’être la Nature et fragile aussi comme beaucoup semblent l’avoir oublié.

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Le drapeau corse..a bandera

Parfois, se promener sur Internet réserve des moments de franche rigolade. Je suis tombé sur un article où j’apprends que le drapeau corse, a bandera, représenterait la tête d’un arabe décapité. C’est en tous cas, ce qu’a déclaré une obscure dame qui a lancé une pétition contre l’emblème. Pétition qui a eu peu de succès. Le problème c’est que des gens aussi fous qu’elle, se sont réjouis de l’idée. Comme quoi, la bêtise des uns répond à l’ignorance des autres.
Alors ce drapeau ? Il représente à n’en pas douter une tête de Maure. Donc, un musulman venu du Maghreb et de façon plus large, toute personne en Europe qui avait le teint foncé.
Et autre question, pourquoi cette tête de Maure. Quand il y a un doute, les légendes apparaissent et en effet, certaines parlent de la décapitation d’un musulman. Mais, les historiens contredisent ces théories. Ils observent que ce symbole a évolué dans le temps et qu’on le retrouve pour la première fois dans les armoiries du royaume d’Aragon dans l’actuelle Espagne. Le blason aragonais compte toujours quatre têtes de Maures. Et, il semble bien que ça fasse référence à la légendaire bataille d’Alcoraz, au XIe siècle, au cours de laquelle le roi Pedro a gagné la ville de Huesca. Il suffit de rappeler qu’en 1297 le pape Boniface VII donne la Sardaigne et la Corse au roi d’Aragon et que depuis cette période, les rois d’Espagne portent le titre de roi de Corse et de Sardaigne. Le drapeau corse arbore donc la tête de maure, emblème des rois d’Aragon.
Mais une autre tête de Maure apparaît en Corse en 1736 et pour la première fois, elle a les yeux bandés remarque Michel Vergé-Franceschi, historien spécialiste de l’histoire de la Corse. Cette image vient de Théodore de Neuhoff, gentilhomme de fortune d’origine allemande, seul roi à avoir régné sur la Corse. Son histoire mériterait bien un article. J’y penserai. Et cette tête fait référence au martyre de Saint-Maurice d’Agaune, noir égyptien ayant adopté la religion chrétienne, devenu le patron du saint empire romain germanique.
C’est Pascal Paoli, qui en 1762, ouvre les yeux du Maure en relevant son bandeau sur le front. Paoli, franc-maçon, considère que ce bandeau sur les yeux est un signe négatif. Il aveugle. Or, la nation Corse et ses habitants doivent voir clair et mettre un terme à l’obscurantisme. Les yeux ouverts ! On est loin de l’histoire du petit esclave maure qui sauve la vie de Vanina la femme de Sampiero Corso. Histoire qu’on retrouve dans le fameux et souvent inexact « guide de la Corse mystérieuse ».
Pour Michel Vergé-Franceschi, il n’y a donc pas de doute. La tête de Maure actuelle est bien celle de saint Maurice à qui on a retiré le bandeau des yeux et non celle d’un Sarrazin. Et aux racistes qui se réjouissent que ce soit la tête d’un arabe décapité (pauvre d’eux) et aux autres qui s’indignent, l’historien répond que c’est la tête d’un saint chrétien noir martyrisé par des païens qui étaient des Romains.
Mais, ce que disent les historiens, n’empêchera pas d’entendre des bêtises E longa a cumpania di quelli chi dicenu sciarabule..Elle est longue la compagnie de ceux qui disent des âneries.

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Scandola..pauvre balbuzard.

Balbuzard de Scandola

Il y a bien longtemps, j’avais une dizaine d’années, le temps était maussade sur le Filosorma. Et bien pire vers la mer, du côté de Galeria. Au-dessus du Fango, j’ai vu planer un grand oiseau blanc. Ma mère m’a dit que c’était un balbuzard qui remontait le fleuve pour chasser quand la tempête était trop forte sur le littoral. Elle disait « l’aigle marin » alors qu’une autre traduction est proposée dans les sites de référence. Mais peu importe.
C’est en décembre 1975 que la réserve de Scandola a été créée et, c’est donc quelques années plus tard que je me suis intéressé de nouveau au sujet de l’aigle pêcheur. J’ai le souvenir de l’opposition de certains à cette réserve. Les pêcheurs en particulier, n’appréciaient pas de se voir priver d’une partie de leur territoire. Et pour être franc, l’idée de permettre à des oiseaux de retrouver leur habitat, semblait inutile et même farfelue.
Les questions du début se sont vite évaporées. Les pêcheurs n’ont pas été privés de ressources. Bien au contraire, un espace protégé a permis une reproduction importante de poissons qu’ils pouvaient capturer en bordure de réserve. Et l’endroit (j’en ai parlé ici même), exceptionnel, est devenu un symbole éclatant de la beauté de l’île attirant de nombreux touristes et faisant naître une activité dédiée.
Hélas. De la fréquentation faible qui a suivi le classement jusqu’à nos jours, le nombre de visiteurs a explosé. Les chiffres font débat mais sans nul doute, ce sont plusieurs centaines de milliers de visiteurs qui vont dans la réserve classée en 2020 au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Comme la visite ne peut se faire qu’en bateau, l’offre a augmenté. Plusieurs dizaines de compagnies proposent la balade sans parler des plaisanciers en voilier ou en embarcations rigides avec un moteur. Or, la réserve est petite et cette fréquentation est concentrée sur trois mois. Peu de moyens, pas de suivi et une gestion par le Parc qui n’a pas été optimale. En 2018, le conservateur du site met les pieds dans le plat en mettant en cause les bateliers, relayé par les associations qui demandent une interdiction totale d’accès à Scandola.
Les politiques se sont emparés du dossier sans que les choses avancent. Du moins jusqu’en 2020 où la réserve est étendue sans que pour autant les problèmes le plus épineux soient réglés, à savoir la délimitation des zones de pêche, de mouillage, celles de quiétude autour des nids de balbuzards et surtout, l’épineux problème de la fréquentation touristique.
Aujourd’hui, c’est une opposition frontale qui apparaît. Les pêcheurs ne veulent pas d’une limitation de leur espace de travail. Et ce qui est étrange, c’est la réaction du président de l’office de l’environnement de la Corse. Il déclare que les nids étant vide, ça ne servira à rien de mettre la réserve « sous cloche ». Et bien sûr, il oublie de dire que c’est le dérangement nautique, omniprésent à l’aplomb des nids notamment en été » et qui « est une source importante de stress pour les oiseaux».
Le CESECC (Conseil économique, social, environnemental, culturel de la Corse) dans son avis 2024-27 fait part de son inquiétude en soulignant que « le balbuzard, espèce protégée et indicateur de la qualité de la biodiversité marine, connaît de manifestes problèmes de reproduction causés par le trafic maritime lié aux loisirs en mer, malgré les mesures de suivi effectuées par le PNRC et le Parc marin du Cap Corse et de l’Agriate … Cela met en lumière le besoin au sein de ces aires marines protégées d’une accentuation des contrôles du respect des arrêtés préfectoraux pris par la mise en oeuvre de zones de quiétude pour la protection des balbuzards ».

Sauf que ces arrêtés protègent de moins en moins de zones… La disparition définitive du balbuzard au sein de cette zone marine protégée semble programmée : une espèce endémique sacrifiée aux intérêts économiques d’un tourisme invasif.
Tout est dit. Il aurait suffi de trouver un équilibre. Tant pis pour le balbuzard qui ne vote pas.

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Les bandits corses.

Une chose est certaine. Il y a beaucoup de caricatures, de clichés, lorsqu’on parle de la Corse. Un livre ne suffirait pas à les recenser tous. Une en particulier perdure. Celle du fameux bandit d’honneur. Mérimée, il faut bien l’admettre, nous a fait du mal. Son goût du pittoresque a résumé la société insulaire à des femmes toujours en noir, avides de vengeance et à des bandits d’honneur bien entendu. Son talent, a transformé Colomba et Mateo Falcone en figures incontournables. Des références.
Comme toujours, la réalité est bien plus complexe. Le crime d’honneur relève le plus souvent de la vendetta. L’insulte qu’on ne supporte pas et qu’on lave dans le sang pour fuir ensuite dans le maquis, aidé par sa famille et son clan. On retrouve aussi ceux qui ont refusé la conscription. De braves gens qui n’ont fait que respecter des valeurs ancestrales. Cette vision romantique, nous la retrouvons dans les écrits de Paul Valery (d’origine corse par son père) qui dans une de ses nouvelles, affirme qu’ils « ..ne sont point des malfaiteurs, car jamais ils ne voleraient les voyageurs. ».
Une chose est certaine. La Corse était mal administrée. Que ce soit sous Gênes, dans l’après-indépendance, sous la Révolution ou au moment des conflits européens des 19ème et du 20ème siècles, la violence a augmenté dans l’île.
Pascal Paoli, conscient du problème, avait décrété la « Ghjustizia Paolina » avec pour ambition de mener la guerre aux brigands et à ceux qui pratiquaient la « vindetta ».
On peut être aussi certain d’une chose. Le départ au maquis commence toujours par un évènement sanglant. Poli, condamné pour désertion, tue ses gardiens. Romanetti est coupable, très jeune, d’agressions et de divers assassinats. Poli est un pur voyou, de ceux qu’on nommera les bandits percepteurs. Idem pour Bornea..sans parler de Spada qui était un fou furieux.
Le site « Corsica mea » consacre un article complet à ce sujet et donne, outre la biographie des plus connus, des chiffres assez effrayants. Entre 1683 et 1715, 28745 meurtres..Entre 1818 et 1852, 4.646 meurtres. La moyenne annuelle des homicides dans la première moitié du 19ème siècle est de 200.
Et n’en déplaise aux romantiques, aux journalistes avides de sensationnel et fascinés par le mythe du palais vert, les bandits étaient des brigands. Ils rackettaient les services de voyageurs, rançonnaient les habitants et cherchaient avant tout l’argent facile.
J’ai déjà eu l’occasion dans ce blog (ici) de raconter comment mon aïeul, celui qui a construit la première maison du village, a été nommé garde des eux et forêts pour avoir abattu deux malandrins qui en voulaient à sa vie. Ma mère me racontait aussi qu’une femme d’un certain âge, vivant dans un hameau voisin, et dont j’avais fait la connaissance, était la fille d’un bandit qui avait violé sa mère. L’honneur est assez loin dans toutes ces affaires.
Mais il est difficile de lutter contre le romanesque et cette séduisante affaire de bandit d’honneur continue à prospérer. Elle fait vendre du papier, des stylets fabriqués en Chine et reste hélas un triste symbole de nôtre île. Ah..triste conclusion au moment où j’écris ces lignes.. Avec « 18 homicides et 16 tentatives d’homicides » enregistrés en 2024, l’île se hisse « au premier rang national en la matière » au regard de ses 355.000 habitants a rappelé le Préfet et Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, a plaidé pour une « action de fond, politique, économique, sociale et culturelle » afin de contrer la mafia, dénonçant « les dérives d’une société gangrenée par l’argent facile et le trafic de drogue ».
En finir avec le culte du bandit et la violence.. « A Maffia No, A Vita Iè » (Non à la mafia, oui à la vie)

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