Archives de catégorie : Lingua corsa

Début de saison…6ème épisode

Le Filosorma m’a inspiré une (longue) nouvelle policière que j’ai écrite pour rendre service à un copain dont le site sur le SCB périclitait. Je vais la faire paraître ici en quelques épisodes et nous verrons si vous trouvez le coupable avant la fin.. Je précise que pour l’essentiel, toute ressemblance avec des personnes ou des lieux réels est fortuite!!

Dans ces cas là, il faut éviter avec soin d’accourir. Le premier arrivé n’est responsable de rien mais sa présence fait de lui le réceptacle de toute la fureur. C’est frustrant d’insulter les saints, ils ne répondent pas et il est clair qu’ils s’en foutent. Tandis que, un qui arrive avec la bouche ouverte, la figure de l’innocence interloquée et curieuse, celui-là, c’est la victime idéale. La délectable erreur judiciaire. Ils attendirent donc tous un long moment avant de se rapprocher de l’épicentre. A dire vrai, même les plus intrigués prirent le temps de boire un café et même deux.
Aussi, au bout d’une bonne demi heure, sans avoir l’air de rien, apparurent les courageux. Comme pour la Nativité. Ils venaient d’un peu partout, convergeant à petits pas, vers la crèche. Point de bœuf, ni d’âne encore que les quelques jurons vaguement beuglés, qui s’entendaient encore pouvaient laisser accroire que c’était bien une bête qui avait élu domicile dans le bistrot.
Ils n’eurent pas besoin d’aller quérir l’information. La cause des cris pendait le long de la façade. Une espèce d’aigle marin, tout blanc, tout blessé, tout disloqué, deux morceaux d’antenne parabolique. Un os de seiche incongru accroché à un fil. Un appât en somme qui avait rempli son office puisqu’il avait attiré les badauds. Ils s’étaient tous arrêtés sur le jeu de boules sans rien dire. Il y avait offense. La sortie d’Ange-Etienne sur la terrasse du bar, bras croisés sous visage raidi, sonna comme un évident signal de repli. Arroser le jardin devenait prioritaire tout comme préparer le repas du midi. Retraite générale. Il fallait attendre la suite des événements.
La suite était bleue comme on pouvait s’y attendre. L’adjudant et son gendarme arrivèrent sur les lieux à peu près au moment où les témoins silencieux s’en retournaient vaquer.  Desagès et Pekarski entrèrent dans la salle du bar encore fraîche. Ange-Etienne était retourné à l’intérieur en les voyant arriver et ils les attendait derrière le comptoir en nettoyant des verres. Il nettoyait le même depuis un moment, nota Pekarski, signe patent de nervosité. Mais il ne dit rien. Le militaire apprenait à son rythme, mais il apprenait tout de même. Il saurait bientôt se taire à bon escient.
« …Je me suis levé tôt ce matin parce que je voulais descendre à Calvi refaire le plein de cigarettes… » Personne ne lui demandait rien, et il commençait à parler. Grosse déstabilisation pensa l’adjudant… »…J’ai branché la télé pour avoir les informations et ça ne marchait pas. J’ai tripoté le tuner et ça ne marchait toujours pas, alors j’ai été voir si l’antenne elle n’était pas débranchée. Et là, je l’ai vue qui pendait en deux morceaux bien fendue dans le travers… »
Desagès prit le temps nécessaire, non pas pour assimiler l’information qui était simple, mais pour montrer à son interlocuteur toute l’importance qu’il attachait aux faits décrits avec autant de sobriété. Il plissa les lèvres. Et céda un instant au plaisir coquet de donner le spectacle de l’intelligence au travail. C’est le problème des séries télévisées. Tout gendarme, tout policier, se prend un bref instant pour un héros récurrent.  Avec toute la prudence requise, il finit par émettre une hypothèse inquiète et chuintée… » Le colis d’il y a quinze jours et l’antenne de cette nuit, on dirait presque que quelqu’un vous en veut… ».
A Pont-à-Mousson ou Hénin Liétard, il est vraisemblable que cette phrase eut été interrogative. Ici, c’était une affirmation prudente. Elle sous-entendait que la victime pouvait avoir un ennemi. Or, avoir un ennemi signifie qu’on a pu mal se conduire. Personne ne vous en veut sans raison. Liminaire a priori insupportable. Ensuite, poser une question sur ce thème sous-entendait qu’il puisse y avoir une réponse. Or, penser qu’Ange-Etienne à supposer qu’il sut quoique que ce soit, accepte de parler était une double offense. S’il connaissait le coupable, il ne l’aurait pas désigné aux gendarmes, premier manquement au code, et s’il l’avait connu, il en aurait fait son affaire tout seul, comme de bien entendu. Poser la question c’était supposer le contraire et donc lui manquer de respect. D’où l’affirmation. Prendre sur soi la mauvaise idée pour ne pas infliger à l’autre l’obligation de dire ce qui le blesse. Desagès se promit d’expliquer ça à son subordonné mais se rendit aussitôt compte qu’il n’aurait jamais les mots pour exprimer une approche aussi subtile.
La victime apporta la réponse convenue. « …Vous avez sans doute raison…mais je vois pas qui peut m’en vouloir… » . Sans doute. Mais la réflexion devait être en marche depuis un bon moment. Par tri successif. Pour arriver à ceux qui étaient capables moralement et physiquement d’oser. Dans ces cas là, on attend. Il faut se concentrer sur tout autre chose. Une mouche est bienvenue, clap, fait le chien en attrapant la mouche et ça permet d’attendre le moment de passer à autre chose. Des faits si possible. Aucun jugement de valeur. . » Pour monter sur le toit, Monsieur Ange-Etienne, comment on peut faire?… »…
« …On peut monter par l’intérieur, il y a une trappe qui donne sur la petit terrasse et puis de là, il suffit d’enjamber mais la maison est fermée. Sinon, et c’est ce qu’ils ont dû faire, c’est mettre l’échelle sur le cerisier, monter au milieu de l’arbre et de là ils arrivent à la terrasse. C’est pas bien acrobatique…. » Pekarski nota le pluriel. Des suspects. Plus tard, son chef lui expliqua que ça ne voulait rien dire. Il n’est pas facile d’accuser quelqu’un, même sans le nommer, et que le rite commande pour diluer la portée de sa phrase, d’impliquer un nombre, un groupe plutôt qu’un individu.
Ils montèrent ensemble sur la terrasse où la parabole pendouillait. Elle s’était brisée, puis repliée sur elle-même sous l’effet de la chute et du mouvement de balancier auquel l’avait contraint le câble ombilical. Pas de trace de coups sur la victime. Elle avait été dévissée puis poussée dans le vide. « …Vous n’avez rien entendu?… ». « Non, on dort de l’autre coté. »
En redescendant, Pekarski demanda du regard l’autorisation de parler. Il l’obtint. « Dites, on dirait que c’est à votre télévision qu’on en veut. L’autre jour le paquet était placé dessous et là c’est l’antenne qu’on vous casse… ». Ils se trouvaient dans une espèce de grenier. Ange-Etienne était au-dessus d’eux en haut d’une échelle meunière en train de faire redescendre la trappe qui commandait l’accès à la terrasse. Il baissa les yeux vers le gendarme. « …Qui pourrait en vouloir à la télévision?… »…Puis alors qu’il entamait à son tour la descente, le dos tourné, il rajouta… »Surtout que ce soir, il y avait match et que du coup, il ne le verront pas, parce que le gars de l’antenne, il ne pourra monter la changer au mieux que dans deux jours et encore il fait ça parce que c’est un petit neveu du coté de ma femme… Sinon, c’était un coup de deux semaines… ».
Le gendarme enhardi, c’était la première fois qu’il ne récoltait pas une réponse désagréable, se relança… »…L’autre jour aussi, c’était jour de match…Il y en a peut être un qui n’aime pas le ballon… » Le patron du bar qui avait terminé sa descente, le regarda sans rien dire, puis émit comme un « …Umbeh… » qui pouvait sonner aussi bien comme une approbation que comme la marque du mépris  mérité par une hypothèse aussi farfelue. De retour dans la salle du bistrot, à la différence de leur dernière visite, les gendarmes enregistrèrent une plainte. Pour l’assurance, précisa le plaignant parce que sinon, « …même pas on en parle… ».

Soir d’exploit à Lisbonne

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Début de saison…5ème épisode

Le Filosorma m’a inspiré une (longue) nouvelle policière que j’ai écrite pour rendre service à un copain dont le site sur le SCB périclitait. Je vais la faire paraître ici en quelques épisodes et nous verrons si vous trouvez le coupable avant la fin.. Je précise que pour l’essentiel, toute ressemblance avec des personnes ou des lieux réels est fortuite!!

Le Sporting ce soir là battit largement Guingamp qui venait d’être promu par quatre buts à un. Les Bretons avaient ouvert le score en tout début de match sur une action, entachée, forcément, d’un hors-jeu qu’un arbitre à l’évidence vendu aux équipes continentales n’avait pas voulu voir. Aux hurlements du stade, répondirent ceux de la salle et à défaut de pouvoir s’accrocher au grillage, certains vinrent mettre en péril l’équilibre du pétrin.
Pour des raisons inverses, l’égalisation puis les buts suivants furent salués par des manifestations comparables si ce n’est qu’elles étaient alors, dictées par le noble sentiment de voir la justice enfin rétablie. A vingt deux heures trente environ, Ange-Etienne ferma le bar après le départ du dernier commentateur sportif. La soirée avait été belle. C’était un premier  match à domicile et une vraie réussite… Pas de sandwiches au merguez, sous les tribunes mais des pastelle. Pas de bière, mais de l’eau de vie. Finalement, une innovation très positive.
La semaine qui suivit fut celle des fenêtres qui s’ouvrent. Les vacances avaient commencé et les familles rentraient au village. Les maison s’ébrouaient. Tard dans la nuit, des lumières restaient allumées à peu près partout et Hyacinthe d’en haut voyait comme une guirlande. Les grands trous d’eau, i pozzi, s’étaient remplis de gamins braillards et encore pâlots.
C’était la période des retrouvailles aux invariables questions où on devait pêle-mêle  donner des nouvelles rassurantes sur ces succès scolaires, affirmer haut et fort qu’on préférait la Corse au continent et refuser avec tact la sempiternelle grenadine. Tu as appris à parler corse……oui…comment tu dis bonjour…arrête…il vaut mieux que tu parles français que d’estropier le corse…
Les enfants faisaient un tour rapide de chaque maison pour saluer la parentèle. C’était un premier devoir de vacances. Il convenait de n’oublier personne. Le terrible dilemme chez les vieilles tantes où il fallait choisir entre le sirop d’orgeat et la grenadine parce qu’il a été dit qu’on ne refusait pas. Plus tard, lorsque la chaleur était un peu retombée, les parents après un coup de ménage, une maison qui reste fermée est pleine de poussière, passaient une tenue décente, pantalon à manches longues et chemisette, et se préparaient, avec une mine de circonstance, aux visites de condoléances.  Ce n’est  qu’après ces exercices obligés que les vacances commençaient.
Le bar connaissait sa période faste. Le camion des glaces montait deux fois par semaine. Le soir, alors qu’un petit vent descendait de la grande barrière toute rouge devant le dernier soleil de la journée, les touristes refluaient et c’était l’heure de l’apéritif. Pastis. Ou pastis. Et politique. Il y avait un plaisir un peu pervers à se trouver là à renouveler, une année après l’autre les mêmes gestes aux même heures. Une forme d’ennui, une indolence dont chacun était plus ou moins conscient mais que personne n’avait envie de combattre. L’impression d’être à sa place dans une pièce écrite pour chacun avec des dialogues identiques, des réparties prévisibles avec des rires annuels. Les vacances ne duraient pas assez longtemps pour qu’on s’en lasse.
Le Sporting jouait son premier match à l’extérieur. Leader du championnat après sa victoire à domicile, il se déplaçait à Bordeaux. Ange-Etienne avait tiré un câble d’antenne et installé le grand écran sur la terrasse. Il y avait foule. Au milieu du groupe, Cat qui vivait le reste de l’année à Bordeaux était devenue pour un soir la cible des macagne en tout genre. Et pour qui tu es? Tu n’es  même pas née au village. Dans ces cas là, le discours de raison ne sert à rien et puisque quelqu’un choisit de te mettre dans un camp, et bien tu joues dans ce camp là. Cat fila sa partition de parfaite bordelaise. Elle fut bordelaise jusqu’au bout des ongles et comme les plaisanteries devinrent acides lorsque les Girondins ouvrirent puis aggravèrent le score, elle se girondinisa en proportion. Il faut en Corse être dans un camp. Bordeaux l’emporta largement et Cat qu’on avait placée sans qu’elle le choisisse sous une bannière gauloise se fâcha pour le coup avec deux ou trois cousins. Jusqu’au lendemain.
Les gendarmes faisaient désormais une ronde hebdomadaire. Ils traversaient le village écrasé de chaleur au ralenti. Pekarski avait abandonné toute velléité verbalisatrice.
Dans sa mécanique pendulaire, le championnat de France commandait que le match suivant eut lieu à Furiani. Mercredi soir. L’affaire était d’importance. L’ennemi héréditaire, le Marseillais était annoncé en Corse. C’était une rencontre à haut risque. Le stade était toujours plein. Bien des années auparavant, des gens étaient morts dans le stade  en tombant d’une tribune disproportionnée que la cupidité et l’inconscience qu’on avait laisser édifier à de piètres responsables qui savaient que l’affiche allait drainer du monde de toute l’île.
Le mercredi matin, un hurlement de colère réveilla à une heure indue tous ceux qui dormaient aux environs du bar. En Corse, il y a peu de gros mots. Il faut éviter les insultes. C’est l’assurance de l’escalade. En revanche, on blasphème. Là c’était un rare mélange des deux. Ange-Etienne prenait à partie l’humanité entière et tous les saints. Il perdait en cet instant toute chance d’entrée directe au Paradis. Même Saint Pancrace, patron du village, en prenait pour son grade. La Sainte Vierge, après avoir tant souffert à ce qu’on dit, devait se pencher sans nul doute à ce moment précis pour voir qui lui prêtait tant de défauts.

Claude Papi et u populu bastiacciu

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Un auguriu per u 2014…Un vœu pour 2014…

Una bella stonda ch’un n’aghju scrittu in lingua corsa. Cume so lettu da ghjente ch’un ammaestranu micca sta lingua, aghju da mette a traduzzione di st’articulettu in francese. E per l’annu chi cumincia, vuleria sprimà un auguriu chi m’è caru.
St’auguriu e di vede, tantu e tantu ghjente amparà u corsu o trovene torna u gustu.
Ci è a pocu pressu 6000 lingue per stu vastu mondu .
L’UNESCO cunsidereghja chi a midità di queste periculeghjenu, chi una lingua smarisce a pocu pressu tutte e duie settimane e chi, si omu face nulla, 90 per centu anu da esse squassate mentre u seculu chi vene.
Perse per sempre, incu i so tesori linguistichi, legende, miti, puesie e a memoria di i populi.
A lingua corse figura in questa lista.
Vi possu dispiace, ma un mi pare micca chi u prublemu sia u francese. St’idioma dino screce. U problemu, quant’a mè, è chi campemu in un mondu chi cerca sempre u prufittu e chi disprezza cio chi un li ghjove micca subitu. A lingua di l’affari è l’inglese e solu contanu l’affari.
So natu in cuntinente e ci so sempre statu. Eppuru parlu e scrivu u corsu. A raggio è simplice. I mo parenti u parlavanu, di una manera naturale e aghju amparatu senza pinsacci.
E in casa chi si po vince stu scumbattimmentu linguisticu. Cio chi aghju vistu di piu pertinente, è un vechju affissu induve si vedia un zitellu chi dumandava a a so mamma « Ô Ma, parlami corsu ! »
Ogni volta chi mi ne rientru in Corsica, m’avvedu chi a lingua si ne more. Possu ragiunà incu i vechji, i parenti ma scarsi so i ghjovani chi s’interesanu. Pinsaranu anch’elli ch’un li ghjove subitu. E cusi chi a pinsata unica supraneghja pianu pianu, puntata da e so prossime vittime.
Si vo capite u corsu, u pudete parlà ! Un n’appiate ne vergogna ne paura.
Si u vulete amparà, lampatevi !

Il y a un bon moment que je n’ai pas écrit en langue corse. Comme je suis lu par des gens qui ne maîtrisent pas cette langue, je vais mettre la traduction de ce billet en français. En ce début d’année, je voudrais exprimer un vœu qui m’est cher.
Ce vœu d’est de voir de plus en plus de gens apprendre le corse ou en retrouver le goût.
Il y a à peu près 6000 langues dans ce vaste monde.
L’Unesco  considère que la moitié de ces langues sont en danger de disparition, qu’une langue disparaît en moyenne toutes les deux semaines et que si rien n’est fait, 90% vont être effacées au cours du siècle.
Perdues à jamais avec leurs trésors linguistiques, légendes, mythes, poésies et la mémoire des peuples.
La langue corse figure dans cette liste.
Au risque de déplaire, je ne crois pas que le problème soit le français. Cette langue perd également du terrain. Le problème, selon moi, c’est que nous vivons dans un monde en recherche perpétuelle de profit et qui méprise ce qui ne lui est pas immédiatement utile. La langue des affaires, c’est l’anglais et seules les affaires comptent.
Je suis né sur le continent et j’y ai toujours vécu. Pourtant, je parle et écris le corse. La raison est simple. Mes parents le parlaient de façon naturelle et je l’ai appris sans m’en rendre compte.
C’est à la maison que le combat linguistique se gagne. Ce que j’ai vu de plus juste à ce propos, c’est une vieille affiche ou un gamin dit à sa mère « Maman, parle moi corse ! ».
A chacun de mes voyages en Corse, je m’aperçois que la langue perd du terrain. Je discute avec les grands-parents ou les parents mais rares sont les jeunes qui s’intéressent. Ils pensent eux aussi que ce n’est pas immédiatement utile. C’est comme ça que la pensée unique avance poussée par ses prochaines victimes.
Si vous comprenez le corse, vous pouvez le parler. N’ayez ni honte, ni peur.
Si vous voulez l’apprendre, allez-y.

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Cose si dice ? Qu’est ce qu’on dit ?

tafunatu

Quelques jours de vacances bien méritées et du coup l’envie de rédiger un billet de blog avec un petit espoir. L’espoir de le voir lu par ceux qui tout au long de l’année, m’assènent avec d’excellentes raisons au premier rang desquelles, l’envie de me faire plaisir, un sonore et empathique « Pace e salute ! ». Ah, l’enfer est pavé de bonnes intentions comme je m’en vais essayer de vous le montrer. Et comme nous sommes le 26 décembre, il n’est pas trop tard.

Nous allons donc consacrer quelques lignes à ces fameux souhaits de fin d’année. Noël ne pose pas de difficultés. En plus, il est derrière nous mais ça peut servir pour le prochain. « ..Bon Natale » ira très bien ! A prononcer « Bon Nadalé » puisque entre deux voyelles, le « t » devient une consonne mutante mais pour que ceux que ça intéresse, j’ai dû écrire un truc à ce propos dans le site d’apprentissage auquel ce blog est adossé. Vous pouvez aussi rajouter « Bone feste » ce qui ne mange pas de pain puisque ça signifie, comme en français, « bonnes fêtes ».

Les choses se compliquent un peu avec la fin de l’année et la nouvelle.

Si vous voulez être dans l’orthodoxie, il convient de bien respecter la chronologie car, en fonction du moment, les vœux changent … Jusqu’au 31 décembre, faîtes claquer un « bon capu d’annu » qu’on devrait traduire par « bonne tête d’an » mais vous l’aurez compris, cette expression signifie tout bonnement « bonne fin d’année ». Prononciation pas évidente « bon caboulanou » avec ces consonnes mutantes mais vous pouvez essayer avec l’heureuse perspective de jouir des regards admiratifs de vos hôtes ou invités…Des versions plus élaborées, existent. J’en mets une à votre disposition ci-dessous. Que ne ferais-je pas pour mon fidèle lectorat !

« Bon di,

Bon annu,

Bon capu d’annu,

Bonu quist’annu,

Megliu un altr’annu »

« Bon jour ,

bonne année,

bonne fin d’année,

cette année a été bonne,

que celle qui vient soit meilleure »

Dès minuit, c’est le bien connu (trop sans doute mais nous y reviendrons ) « Pace e salute » qui s’impose. Paix et santé, ce qui soit dit en passant est ce qu’on peut souhaiter de mieux à ses proches et à la terre entière. C’est ce que les enfant s’empressaient de dire à leurs parents en ce premier jour de l’année.

« Pace e salute ! Pace e salute ! » et les parents répondaient «  E ch’è vo siate sempre bravi zitelli » « Et que vous soyez toujours de bons enfants ! » La perspective d’étrennes (ah le souvenir des pièces de 5 francs en argent) me motivait pour n’oublier personne.

Un clin d’oeil à un ami de Nuceta qui me rapportait la réponse pleine d’ironie moqueuse d’un vieux de son village lorsqu’on lui disait « Pace e salute ». Il rétorquait, non sans une certaine logique. «  Si un n’aghju a salute, a pace un l’averete mancu voi ! » Si je n’ai pas la santé, la paix même pas vous ne l’aurez !.

Bref….tout ça pour dire que le « pace e salute » est connu de beaucoup de monde. Ce qui vaut à tout moment de l’année, de l’entendre de la part de gens bien intentionnés qui pensent me faire plaisir. J’ai pris pour parti de leur répondre « Joyeuses Pâques » et devant leurs mines interloquées, je leur explique qu’ils viennent en mars, juillet ou août, de me souhaiter ni plus ni moins qu’une bonne année.

Sur ce, vi basgiu et vi dicu « Bon capud’annu a tutti »

 

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Ricordu di Natale..

Mes Noëls d’enfant n’étaient pas villageois. Ils se passaient à Toulon. Pour autant, Bardiana était toujours présent dans nos conversations. Ma mère et ma tante nous racontaient les veillées d’antan et leur talent était tel que nous imaginions sans peine les gens, les lieux et l’ambiance qui devait régner autour du fucone, le foyer. Bon, un réveillon autour du radiateur n’a pas la même aura mais l’essentiel y était. La famille, l’affection et les récits.

En prenant un peu d’âge, n’exagérons rien…je veux dire par là que j’étais adolescent, mon attention a été attirée par la transmission des prières liées à l’ochju, l’œil. J’ai déjà écrit à ce sujet mais, en retrouvant une vidéo de l’INA dont j’insère un extrait à la toute fin de ce billet de blog, les souvenirs ont afflué, l’émotion aussi et j’ai eu envie d’en parler de nouveau. Lisez moi et prenez le temps ensuite de regarder ce film d’une trentaine de minutes accessible en son entier sur le site de L’INA. Vous comprendrez pourquoi en 1978, à sa première vision, j’ai compris qu’il fallait se méfier des caméras ! !

L’ochju, donc. Le mauvais œil en français. Personne ne sait vraiment ce qu’est cette affection mais tout un chacun en connaît les symptômes. Migraine, nausées, lassitude extrême sans qu’une quelconque pathologie puisse expliquer le mal. Tout le monde sait aussi d’où il vient. C’est le résultat d’une influence mauvaise portée par l’œil d’une personne qui vous regarde et pense à vous avec malveillance. Une admiration trop forte ou l’envie que vous suscitez peut avoir des effets identiques.

Il existe divers remèdes pour se débarrasser de ce mal. Plus ou moins élaborés et le plus souvent à base de sel et d’huile. Mais, et c’était le cas pour ma Maman, il est aussi possible d’ôter l’œil par des incantations, des prières en fait, murmurées pendant qu’on trace des signes de croix sur le visage. Une prière bien dite, c’est essentiel, soulage de façon immédiate et celui qui l’a prononcée, prend le mal sur lui. Ce transfert se matérialise par des séries de bâillements plus ou moins longues en fonction de la gravité du sort.

Bien entendu, j’ai souhaité étudier ces prières. Ma mère a accepté volontiers de me les transmettre mais elle m’a précisé que je ne pourrai les apprendre à personne. Seules les femmes peuvent pratiquer et instruire. Les hommes disent  les prières mais ils ne les enseignent pas. Nous en revenons ici à la nuit de Noël. L’apprentissage se fait une fois par an et au cours de cette nuit-là. Il est évident que nous nous trouvons ici, et c’est fascinant, au carrefour des mythes que la religion chrétienne a intégrés dans une approche syncrétique (culte de Mithra et cérémonies du solstice d’hiver par exemple). Trop long à développer et ce n’est pas l’ambition de ce blog. Dernière chose que j’ai apprise au cours de ces Noëls là, les prières sont sacrées. Elles sont murmurées et elles n’ont pas à être connues de tous. Ca ne porte pas bonheur à celui qui les galvaude.

Voilà pourquoi, j’ai eu de la peine pour ces deux vieilles dames que j’ai vues en 1978 (je m’en souviens parfaitement !) prononcer ces prières sans mesurer le pouvoir de la camera. Sinon, à la grande surprise de mes relations qui me savent athée, je pratique encore et ça marche !
(NDLR: pour en savoir plus sur l’ochju, cet article bien documenté en cliquant ici.
Natale…pensaraghju a quelli ch’un so piu. E per elli, l’antica preghera « ..Eiu vi pregu animi santi, eiu vi pregu a tutti quanti, site stati cume noi, si venera cume voi altri, chi Diu vi dia pace e riposu, in u santu Paradisu..E cusi sia…

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Funghi!!

Il me semble avoir déjà écrit ici même, tout le bien que je pensais de l’automne. De façon générale. Aujourd’hui, j’aimerais entrer davantage dans le détail du plaisir que procure une virée villageoise en ce début de novembre.

C’est tout d’abord la traversée. Le bateau est le même qu’en été mais plus fantomatique. Moins de monde et plus de brume en longeant le cap au petit matin. Avec de la chance, nous en avons eu cette année, il fait un grand soleil sur Bardiana et toutes les activités sont possibles à une ou deux réserves près. Fraîcheur de l’eau…et journées bien raccourcies. Et oui, c’est ce qui arrive quand un village est construit à l’umbria..l’ubac.

Odeurs, lumière douce, arbouses et champignons. Même les vaches ont l’air serein.

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C’est de ça dont il s’agit avec un clin d’oeil à Maria Anghjula et Stevanu fin connaisseurs de funghi avec qui nous arpentons le maquis et les vieux jardins pour essayer, parfois nous y arrivons, d’agrémenter l’ordinaire.

Merci une fois de plus à la Belette Agile qui a fait un safari photo qui me sert de support. Et comme il s’agit aussi et surtout de langue corse, nous allons en profiter pour réviser les noms de nos trouvailles.

Le Filosorma étant une région de chênes, de châtaigniers et de pins, il y a une variété tout à fait intéressante de taxons étant observé que par l’effet de la malice de la nature, la proportion des mauvais excède de beaucoup celle des bons.Tiens, commençons le périple par une amanite tue-mouches aussi belle que toxique. Elle était nichée près du fleuve quelque part près de la Furnace. Pas de nom corse pour celle-ci.

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ni pour celle là dont on pourrait retenir le nom latin « pantherina ».Par contre, la coulemelle, c’est a cappisgiula. Elle aussi comme les deux autres traînait du coté de Candela. Observez que je vous donne les lieux où vous pourrez trouver les mauvais champignons. Vous souffrirez que je garde secrets ceux où abondent les girolles.

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Tiens une lingua..la fistuline hépatique qui si mes souvenirs sont bons, a donné un joli liant à la sauce. Et a coté, des vesses, a vescia en langue corse qui ne présente, quant à elle, aucun intérêt culinaire.

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Et puis, dans des endroits que vous n’avez pas besoin de connaître.. on rencontre ce genre d’oeuf..u buletru ou encore u cuccu. L’amanite des Césars, l’oronge. Coupée en tranches, crue et servi en salade avec de fines tranches de joue grillées et des amandes. Gratuite la recette..

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En définitive, j’imagine qu’une question vous taraude. Les girolles, les lactaires délicieux qui font l’intérêt de la recherche, est ce que nous en avons trouvé? La réponse est sur la table et dans la poële.

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Voila. Un bon mètre carré voire plus de belli sturzi, de sanguins et au milieu des cèpes.

Jaloux? J’en suis ravi. C’était le but.

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Fà mottu..ou bonjour..à vous de voir

Il y a bien longtemps, j’ai été le stagiaire  très intéressé d’une formation dédié à la gestion du conflit en particulier et à la communication en général. Le conférencier avait alors insisté sur l’importance du premier contact et sur le « bonjour » qui, assorti d’un large sourire, était la garantie d’un échange harmonieux au moins au début. Ce même conférencier fut quelque peu surpris lorsque j’entrepris de lui expliquer que par chez moi, on se passait fort bien de ce « bonjour » dont il était l’ardent prosélyte

.bardiana

Mettons tout de suite les choses au point. Si vous dites « bonghjornu » ou encore « salute » en entrant dans le bistrot du village, vous n’aurez commis aucune faute de goût et à tout prendre, c’est bien mieux que de ne rien dire du tout et passer pour un mufle. « Bonghjornu » correspond bien au salut du matin et n’est en rien hérétique. « Salute » me dérange davantage car ce mot signifie santé.. Si vous tenez à saluer la confrérie, utilisez la prononciation adéquate  à savoir «  salutu ». On ne vous voudra pas de toutes façons. Une fois de plus, c’est mieux que rien.

Non, ce dont je veux vous entretenir aujourd’hui, c’est de la manière « nustrale » (de par chez nous, si vous préférez) de saluer un voisin, un villageois ou un parfait inconnu avec qui on veut se montrer courtois.  Ci vole da fà mottu.. il faut faire un signe. Mottu, que voilà un mot intéressant. Il est tout plein de sens. L’excellent site ADECEC les livre tous.. « .. salut, salutation; mot, bon mot, façons, manières, mamours; signe, mouvement.. ». Fà mottu, c’est faire un signe qui est un témoignage de civilité à l’endroit d’une personne qu’il convient de saluer.

Un signe ! Et pas une parole. En pratique, ça donne quoi ? Vous croisez de bon matin, un quelconque voisin qui s’en rentre du jardin. Un petit signe de la tête accompagné d’un « euh » sonore et accentué. Il vous répond de la même manière par un autre « euh » voire un « eh » modulé. Et chacun poursuit sa route en ayant témoigné, confer ci-dessus, d’une courtoisie exquise. Avete fattu mottu e a rispostu.. vous avez fait un signe et il y a été répondu.

La politesse a été de mise dans cet échange ce qui est l’essentiel mais cela va encore plus loin. Car ledit échange bref mais courtois laisse en définitive, toute latitude d’engager la conversation à celui à qui le « euh » est adressé. Et oui..Vous dites « euh » au voisin.. il répond « eh » et il poursuit sa route. Parfait, un salut mutuel et comme il n’avait ni le temps, ni l’envie de discourir, il s’en est allé. Maintenant, imaginons que votre interlocuteur ait un peu de temps devant lui. Vous lui dites « euh », il vous répond « eh » mais il rajoute un petit quelque chose du style « cumu va ? » (comment ça va ?) ou «  a chi simu ? » (qu’est ce qu’on devient » ou un peu ce qu’il veut. Et là, on discute. Pratique non ? Et plutôt respectueux.

C’est pour ça, que  dans nos villages où il peut y avoir de temps à autres (si peu…si peu…) quelques fâcheries, bouderies et autres chicanes, vous n’entendrez pas quelqu’un se plaindre de la grossièreté d’un tiers en disant «  un m’a mancu dettu bonghjornu » (il ne m’a même pas dit bonjour ) mais plutôt « un m’a mancu fattu mottu » (il ne m’a même pas fait un signe).

Bon, à vrai dire, vous entendrez les deux car les traditions se perdent. Alors, comme souvent sur ces billets où il est question de prononciation, d’expression et de langage…fate cum’ella vi pare. Faites comme bon vous semble mais avant tout soyez poli !

candela

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…

Muntagnera! Enfin, un bout…

Et si nous parlions randonnée ? J’ai pas mal marché par chez moi et il me semble que je peux vous donner envie d’en faire autant. Et puisqu’il s’agit aussi de promouvoir la langue corse, nous allons examiner ma première proposition en musique. Grâce soit rendue à Word Press, mon éditeur de blog qui dans sa dernière version, autorise l’insertion de contenu. Donc, cliquez sur l’image You Tube pour avoir le groupe A Filetta en fond musical et plus particulièrement, la chanson « a muntagnera » qui relate le parcours de transhumance entre la plaine d’hivernage du Filosorma et les hautes vallées d’estive du Niolu. Le parcours que je vous propose correspond  aux quatre premiers couplets de cette chanson écrite par mon cousin Marcellu Acquaviva di L’Acquale, dans son recueil de poésies ‘l’Acqualugia ». Ch’ellu riposi in pace.


1er couplet….

Ch’ellu si n’hè scorsu maghju
Sarà più d’una simana ;
Approntati, o capraghju !
À lascià piaghja è calmana
Ch’ai da fà l’altu viaghju
Dopu ghjuntu in Barghjiana

Depuis que Mars s’est enfui,
Cela fera plus d’une semaine,
Prépare toi ô chevrier
A laisser la plaine et sa chaleur
Car tu devras faire un haut voyage
Lorsque tu seras arrivé à Bardiana

église

La randonnée que je vous propose est basée sur une partie de l’antique chemin qui ramenait donc les troupeaux des vallées du Filosorma où ils passaient l’hiver, au Niolu, où ils allaient rester durant l’été. Comme le dit ce premier couplet, l’aventure commence à Bardiana. Et plus précisément près de l’église où démarre la route forestière. A ce stade, plusieurs options. La première consiste à tout faire à pied et suivre cette piste carrossable sur environ sept kilomètres  avant d’arriver au pied du col, où tout le monde de toutes façons, devra marcher. La deuxième, si vous avez un véhicule assez haut sur patte, c’est de vous garer au pont des Rocce ce qui vous fera gagner quelques kilomètres et enfin si vous avez un quatre à quatre, vous pouvez aller au bout de la piste. Arrivé à la fontaine di i Tassi, vous ne pourrez pas aller plus loin qu’une passerelle et reviendrez vous garer 100 mètres plus haut sur un espace herbeux, sous un énorme rocher. Mais, tout faire en marchant, présente un double avantage. On se chauffe les muscles avant la grimpette et on profite d’une vue splendide sur les contreforts du Tafunatu.

2ème couplet….
Avvedeci, o Falasorma !
Cù i parenti è l’amichi
Sempre liati à Niolu
Per e gioie è i castichi :
Da Montestremu à u mare
Avemu listessi antichi.

Au revoir, ô Filosorma
Avec les parents et les amis,
Toujours liés au Niolu
Par les joies et les peines,
De Montestremu à la mer,
Nous avons les mêmes aïeux

En remontant la piste forestière, sur les premiers kilomètres en tout cas, vous verrez sur le versant d’en face, le village neuf de Montestremu  puis le vieux. Les maisons sont en ruine pour la plupart mais elles sont un exemple remarquable d’architecture corse et d’intégration idéale au lieu. Sans peine, puisque les pierres qui ont servi à construire les maisons sont celles des rochers alentour. Puis vous traverserez la plus grande yeuseraie d’Europe avant d’arriver à la passerelle des Tassi dont je parlais plus haut. Ce point marque la fin de la partie carrossable de la piste.

3ème couplet…
Sbuccarè in Caprunale
Guardendu da altu à bassu
Supranendune à O’mita
È a funtana di u Tassu
Basgiati a croce nova
Chì a vechja ùn s’hè più Trova.

Tu déboucheras à Caprunale
Regardant de haut en bas,
Surplombant Omita
La fontaine du Tassu (les ifs ?)
Embrasse la croix neuve
Car la vieille, on ne l’a plus trouvée (elle s’est perdue)

caprunale1

Ah la licence poétique..en un seul couplet, vous arrivez à Caprunale. Pas si évident. Longue montée en lacets qu’il faut absolument éviter au soleil. C’est là qu’on peut admirer le travail des terrassiers même si les éboulements détruisent peu à peu la route. Omita, c’est le nom de la forêt qu’on traverse en bas de la pente et celui aussi d’une maison forestière en ruines qu’on distingue sous les frondaisons. Et la fontaine, est celle dont je parle depuis un instant, celle où vous avez laissé votre voiture. Cette histoire de croix mérite une explication. Du temps de la transhumance, une vieille croix était scellée dans un rocher au passage du col. Une écuelle était là pour recueillir les piécettes laissées par les bergers et randonneurs. De temps en temps, quelqu’un descendait la collecte à l’église. La vieille croix a disparu. Il y en a désormais une autre.

4ème couplet
Eccu a Mirindatoghja,
Ti riposa di a cullata
Ma fà casu à a capra
Ch’ella ùn si sia sbandata
Se tù voli esse in Pùscaghja
Tranquillu pè a nuttata.

Te voilà à l’endroit pour manger,
Qui et repose de la montée,
Mais fait attention à la chèvre,
Qu’elle ne soit pas débandée
Si tu veux être à Puscaghja
Tranquille pour la nuitée.

Arrivé au col de Caprunale, un nouveau choix s’offre à vous après avoir cassé la croûte. Redescendre vers la vallée ou continuer sur Puscaghja, c’est à dire basculer sur l’autre versant. Repartir d’où on vient est tout à fait honorable. Vous aurez fait quelques heures de marche ( au moins 6 en aller-retour) surtout si vous avez tout parcouru à pied. Descendre à Puscaghja est plus excitant. Une grosse demi-heure de descente et au travers d’un environnement quelque peu sinistre (arbres foudroyés!!), vous arriverez dans la vallée de L’Onca. Un refuge vous y attend. Lors de ma dernière visite, il était tenu par le délicieux Dumè Flori. A ce jour, je ne sais plus ce qu’il en est. L’idéal, c’est de dormir à Puscaghja, comme le propose la chanson. C’est que je faisais étant jeune en pêchant dans la rivière qui loin de tout, était fort peu braconnée. Mais on peut, je l’ai fait plusieurs fois, boucler le tout dans la journée. L’aller retour, en marchant de façon honorable pedibus cum jambis tout du long, vous fera entre 8 et 10 heures de marche, car une fois descendu à Puscaghja, il faudra bien remonter au col de Caprunale. Moins si vous avez laissé la voiture à un endroit ou un autre. Et puis vous pouvez aussi continuer la route vers Guagnerola.. mais ceci est une autre histoire et d’autres couplets !

puscaghja

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Bardiana ou Barghjana…intricciata ou pas?

Un petit billet qui présentera l’intérêt, du moins à mes yeux, d’avoir un coté transverse. Ah, pardon, je ne suis pas au bureau. Par transverse, je souhaitais juste signaler qu’il touche aux trois sujets dont traite mon blog. La langue corse, la région du Filosorma et son histoire.
L’idée de départ c’est d’en finir avec cette manie d’écrire le nom de mon village avec une triphtongue.. Barghjana. Alors, une fois pour toutes, c’est Bardiana et je le prouve. Enfin, j’essaie.
L’histoire tout d’abord. Je crois avoir déjà écrit, que ce village a été fondé par notre aïeul. Mais je ne suis pas certain d’avoir donné tous les détails de l’affaire. Et si je l’ai fait sans m’en souvenir, tant pis. Ca donnera raison à ceux qui pensent que je radote autant à l’oral qu’à l’écrit.
Or donc, il y a bien longtemps, dans la seconde moitié du 19ème siècle, ledit aïeul était berger et occupait à cette fin, une grotte dans la vallée de Bocca Bianca.

boccabianca

Un soir, il a vu arriver deux bandits. Des malandrins, des coupe-jarret, des voyous de la plus belle eau qui voulaient gîte et couvert. Il a accepté bien entendu. L’histoire retient volontiers les bandits d’honneur (concept sur lequel il y aurait beaucoup à dire) mais le maquis était surtout peuplé de canailles dont il n’y avait rien de bon à attendre. Pour faire bref, nous allons dire que les malfaiteurs avaient l’intention de tuer le grand-père dès qu’il dormirait mais que celui-ci avait compris leurs intentions. Il a attendu qu’ils s’endorment et les a occis tous les deux sans autre forme de procès. Les gredins étaient recherchés. Et en guise de récompense, l’aïeul s’est vu accorder une charge de garde des Eaux et Forêts. Après, un bref séjour dans la vallée d’Ascu, il est revenu s’établir dans le Filosorma où il a construit la première maison du lieu..la maison du garde..a casa bardiana. D’où le nom du village !
Parce que voyez-vous, et vous pourrez le vérifier dans l’excellent dictionnaire corse-français de Mathieu Ceccaldi qui fait référence dans nos pieve, garder se dit et s’écrit « bardà » et le garde « u bardia »..prononcer « ou wardia ».  En aucun cas, cette triphtongue « ghj » mise là pour rendre la prononciation.
A la rigueur, on aurait pu retenir « guardianu » ou « vardianu » comme le propose le nom moins excellent site de l’ADECEC mais ça ne restitue pas le « b » que nous entendons de façon distincte lorsque les niolains et Filosorminchi, parlent du hameau.
Tout ça pour dire, que la langue corse qui était de tradition orale a commencé à être codifiée relativement tard. Au 19ème siècle sans doute. L’idée était retrouver à l’écrit, les tournures parlées avec ces fameuses  trinaires ou intricciate (lettres intriquées ou composées ou emmêlées). Or, si leur utilité est évidente dans certains cas en début de mot notamment (comment écrire « chjamà » pour rendre le « tjia » ?) elle peut rendre inutilement complexe l’écriture de mots comme le « bardiana » dont nous parlons aujourd’hui.
Bref et pour conclure, il semblerait que cette affaire de triphtongues a pu déclencher en son temps, des débats animés. Je m’en voudrais de souffler sur des braises sans doute mal éteintes. Alors, en définitive, fatela cum’ella vi pare… faites comme vous voulez.

blog1

Merci à la belette agile pour ses photos

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Il était temps..era ora !

Une observation attentive des statistiques du site m’a permis d’établir un constat. La majorité de ceux qui aboutissent sur ces pages, cherchent la traduction de l’expression française « il était temps ». Or, je n’apporte aucune réponse à cette question récurrente. Aussi, avec le double souci de satisfaire mes visiteurs anonymes et de faire croître mon audience, je m’en vais de ce pas, traiter du sujet des gallicismes. Quelques uns en tous cas.

Era ora ! C’est ainsi qu’il convient de dire « il était temps » et en aucune façon, l’ignoblissime « era tempu » qui ne signifie rien..si ce n’est que celui qui le dit, corsise comme il peut. C’est à dire fort mal. Era ora donc, pour il était temps. Tempu a, tout comme en français, deux acceptions. Le temps qu’il fait « chi bellu tempu ! » d’une part et le temps d’horloge d’autre part « u tempu passa ! ». Mais, une fois pour toute, il ne marche pas dans l’expression dont je vous cause aujourd’hui.

Comme toutes les langues, le corse a ses particularités, pièges et faux amis. Trop nombreuses pour être recensées ici et sur une seule page. Mais prenons un autre exemple. Encore lorsqu’il exprime une action qui se répète. Ce modeste adverbe de temps est parfois passé à la moulinette de traductions, on ne peut plus approximatives. Citons à ce propos l’horrible « encora ». Ou, plus corse mais pas moins incorrect dans ce cas, le « ancu ». Lorsqu’il s’agit de marquer la répétition dans l’action, il convient de dire « torna ». Il est encore venu se traduira par « è vinutu torna ».  Ancu, que je viens de citer, peut signifier encore lorsqu’on forme une phrase où il est question d’une action présente, passée ou future qui n’est pas arrivée mais qui pourrait éventuellement se produire. Un exemple pour éclaircir tout ceci.. il s’agit de traduire les phrases suivantes « il n’est pas encore arrivé » « il n’était pas encore debout » ou « il ne mangera pas encore ». Nous aurons «  un è ancu ghjuntu », «  un n’era ancu arrittu » ou « un manghjara ancu ». Voili voilà.

Donc « torna ». Et si vous voulez vraiment faire dans la pure pureté du langage, vous pouvez utiliser ce « torna » pour marquer l’idée d’une action qui se répète. La plupart du temps, dans la conversation courante, il revient se traduira par rivene, il mange par rimanghja. Ca passe mais ce n’est pas très élégant surtout le second exemple. La classe vraie, serait de dire « vene torna » ou « manghja torna ».

Ce serait le moment de vous conter l’histoire fameuse de l’ours et du « Torna Vignale » mais elle ne se passe pas en Filosorma aussi, vous la trouverez par vous même par l’intermédiaire de votre moteur de recherche favori. A u piacè di vedevi torna ! !

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…