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Funghi!!

Il me semble avoir déjà écrit ici même, tout le bien que je pensais de l’automne. De façon générale. Aujourd’hui, j’aimerais entrer davantage dans le détail du plaisir que procure une virée villageoise en ce début de novembre.

C’est tout d’abord la traversée. Le bateau est le même qu’en été mais plus fantomatique. Moins de monde et plus de brume en longeant le cap au petit matin. Avec de la chance, nous en avons eu cette année, il fait un grand soleil sur Bardiana et toutes les activités sont possibles à une ou deux réserves près. Fraîcheur de l’eau…et journées bien raccourcies. Et oui, c’est ce qui arrive quand un village est construit à l’umbria..l’ubac.

Odeurs, lumière douce, arbouses et champignons. Même les vaches ont l’air serein.

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C’est de ça dont il s’agit avec un clin d’oeil à Maria Anghjula et Stevanu fin connaisseurs de funghi avec qui nous arpentons le maquis et les vieux jardins pour essayer, parfois nous y arrivons, d’agrémenter l’ordinaire.

Merci une fois de plus à la Belette Agile qui a fait un safari photo qui me sert de support. Et comme il s’agit aussi et surtout de langue corse, nous allons en profiter pour réviser les noms de nos trouvailles.

Le Filosorma étant une région de chênes, de châtaigniers et de pins, il y a une variété tout à fait intéressante de taxons étant observé que par l’effet de la malice de la nature, la proportion des mauvais excède de beaucoup celle des bons.Tiens, commençons le périple par une amanite tue-mouches aussi belle que toxique. Elle était nichée près du fleuve quelque part près de la Furnace. Pas de nom corse pour celle-ci.

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ni pour celle là dont on pourrait retenir le nom latin « pantherina ».Par contre, la coulemelle, c’est a cappisgiula. Elle aussi comme les deux autres traînait du coté de Candela. Observez que je vous donne les lieux où vous pourrez trouver les mauvais champignons. Vous souffrirez que je garde secrets ceux où abondent les girolles.

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Tiens une lingua..la fistuline hépatique qui si mes souvenirs sont bons, a donné un joli liant à la sauce. Et a coté, des vesses, a vescia en langue corse qui ne présente, quant à elle, aucun intérêt culinaire.

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Et puis, dans des endroits que vous n’avez pas besoin de connaître.. on rencontre ce genre d’oeuf..u buletru ou encore u cuccu. L’amanite des Césars, l’oronge. Coupée en tranches, crue et servi en salade avec de fines tranches de joue grillées et des amandes. Gratuite la recette..

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En définitive, j’imagine qu’une question vous taraude. Les girolles, les lactaires délicieux qui font l’intérêt de la recherche, est ce que nous en avons trouvé? La réponse est sur la table et dans la poële.

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Voila. Un bon mètre carré voire plus de belli sturzi, de sanguins et au milieu des cèpes.

Jaloux? J’en suis ravi. C’était le but.

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Fà mottu..ou bonjour..à vous de voir

Il y a bien longtemps, j’ai été le stagiaire  très intéressé d’une formation dédié à la gestion du conflit en particulier et à la communication en général. Le conférencier avait alors insisté sur l’importance du premier contact et sur le « bonjour » qui, assorti d’un large sourire, était la garantie d’un échange harmonieux au moins au début. Ce même conférencier fut quelque peu surpris lorsque j’entrepris de lui expliquer que par chez moi, on se passait fort bien de ce « bonjour » dont il était l’ardent prosélyte

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Mettons tout de suite les choses au point. Si vous dites « bonghjornu » ou encore « salute » en entrant dans le bistrot du village, vous n’aurez commis aucune faute de goût et à tout prendre, c’est bien mieux que de ne rien dire du tout et passer pour un mufle. « Bonghjornu » correspond bien au salut du matin et n’est en rien hérétique. « Salute » me dérange davantage car ce mot signifie santé.. Si vous tenez à saluer la confrérie, utilisez la prononciation adéquate  à savoir «  salutu ». On ne vous voudra pas de toutes façons. Une fois de plus, c’est mieux que rien.

Non, ce dont je veux vous entretenir aujourd’hui, c’est de la manière « nustrale » (de par chez nous, si vous préférez) de saluer un voisin, un villageois ou un parfait inconnu avec qui on veut se montrer courtois.  Ci vole da fà mottu.. il faut faire un signe. Mottu, que voilà un mot intéressant. Il est tout plein de sens. L’excellent site ADECEC les livre tous.. « .. salut, salutation; mot, bon mot, façons, manières, mamours; signe, mouvement.. ». Fà mottu, c’est faire un signe qui est un témoignage de civilité à l’endroit d’une personne qu’il convient de saluer.

Un signe ! Et pas une parole. En pratique, ça donne quoi ? Vous croisez de bon matin, un quelconque voisin qui s’en rentre du jardin. Un petit signe de la tête accompagné d’un « euh » sonore et accentué. Il vous répond de la même manière par un autre « euh » voire un « eh » modulé. Et chacun poursuit sa route en ayant témoigné, confer ci-dessus, d’une courtoisie exquise. Avete fattu mottu e a rispostu.. vous avez fait un signe et il y a été répondu.

La politesse a été de mise dans cet échange ce qui est l’essentiel mais cela va encore plus loin. Car ledit échange bref mais courtois laisse en définitive, toute latitude d’engager la conversation à celui à qui le « euh » est adressé. Et oui..Vous dites « euh » au voisin.. il répond « eh » et il poursuit sa route. Parfait, un salut mutuel et comme il n’avait ni le temps, ni l’envie de discourir, il s’en est allé. Maintenant, imaginons que votre interlocuteur ait un peu de temps devant lui. Vous lui dites « euh », il vous répond « eh » mais il rajoute un petit quelque chose du style « cumu va ? » (comment ça va ?) ou «  a chi simu ? » (qu’est ce qu’on devient » ou un peu ce qu’il veut. Et là, on discute. Pratique non ? Et plutôt respectueux.

C’est pour ça, que  dans nos villages où il peut y avoir de temps à autres (si peu…si peu…) quelques fâcheries, bouderies et autres chicanes, vous n’entendrez pas quelqu’un se plaindre de la grossièreté d’un tiers en disant «  un m’a mancu dettu bonghjornu » (il ne m’a même pas dit bonjour ) mais plutôt « un m’a mancu fattu mottu » (il ne m’a même pas fait un signe).

Bon, à vrai dire, vous entendrez les deux car les traditions se perdent. Alors, comme souvent sur ces billets où il est question de prononciation, d’expression et de langage…fate cum’ella vi pare. Faites comme bon vous semble mais avant tout soyez poli !

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Muntagnera! Enfin, un bout…

Et si nous parlions randonnée ? J’ai pas mal marché par chez moi et il me semble que je peux vous donner envie d’en faire autant. Et puisqu’il s’agit aussi de promouvoir la langue corse, nous allons examiner ma première proposition en musique. Grâce soit rendue à Word Press, mon éditeur de blog qui dans sa dernière version, autorise l’insertion de contenu. Donc, cliquez sur l’image You Tube pour avoir le groupe A Filetta en fond musical et plus particulièrement, la chanson « a muntagnera » qui relate le parcours de transhumance entre la plaine d’hivernage du Filosorma et les hautes vallées d’estive du Niolu. Le parcours que je vous propose correspond  aux quatre premiers couplets de cette chanson écrite par mon cousin Marcellu Acquaviva di L’Acquale, dans son recueil de poésies ‘l’Acqualugia ». Ch’ellu riposi in pace.


1er couplet….

Ch’ellu si n’hè scorsu maghju
Sarà più d’una simana ;
Approntati, o capraghju !
À lascià piaghja è calmana
Ch’ai da fà l’altu viaghju
Dopu ghjuntu in Barghjiana

Depuis que Mars s’est enfui,
Cela fera plus d’une semaine,
Prépare toi ô chevrier
A laisser la plaine et sa chaleur
Car tu devras faire un haut voyage
Lorsque tu seras arrivé à Bardiana

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La randonnée que je vous propose est basée sur une partie de l’antique chemin qui ramenait donc les troupeaux des vallées du Filosorma où ils passaient l’hiver, au Niolu, où ils allaient rester durant l’été. Comme le dit ce premier couplet, l’aventure commence à Bardiana. Et plus précisément près de l’église où démarre la route forestière. A ce stade, plusieurs options. La première consiste à tout faire à pied et suivre cette piste carrossable sur environ sept kilomètres  avant d’arriver au pied du col, où tout le monde de toutes façons, devra marcher. La deuxième, si vous avez un véhicule assez haut sur patte, c’est de vous garer au pont des Rocce ce qui vous fera gagner quelques kilomètres et enfin si vous avez un quatre à quatre, vous pouvez aller au bout de la piste. Arrivé à la fontaine di i Tassi, vous ne pourrez pas aller plus loin qu’une passerelle et reviendrez vous garer 100 mètres plus haut sur un espace herbeux, sous un énorme rocher. Mais, tout faire en marchant, présente un double avantage. On se chauffe les muscles avant la grimpette et on profite d’une vue splendide sur les contreforts du Tafunatu.

2ème couplet….
Avvedeci, o Falasorma !
Cù i parenti è l’amichi
Sempre liati à Niolu
Per e gioie è i castichi :
Da Montestremu à u mare
Avemu listessi antichi.

Au revoir, ô Filosorma
Avec les parents et les amis,
Toujours liés au Niolu
Par les joies et les peines,
De Montestremu à la mer,
Nous avons les mêmes aïeux

En remontant la piste forestière, sur les premiers kilomètres en tout cas, vous verrez sur le versant d’en face, le village neuf de Montestremu  puis le vieux. Les maisons sont en ruine pour la plupart mais elles sont un exemple remarquable d’architecture corse et d’intégration idéale au lieu. Sans peine, puisque les pierres qui ont servi à construire les maisons sont celles des rochers alentour. Puis vous traverserez la plus grande yeuseraie d’Europe avant d’arriver à la passerelle des Tassi dont je parlais plus haut. Ce point marque la fin de la partie carrossable de la piste.

3ème couplet…
Sbuccarè in Caprunale
Guardendu da altu à bassu
Supranendune à O’mita
È a funtana di u Tassu
Basgiati a croce nova
Chì a vechja ùn s’hè più Trova.

Tu déboucheras à Caprunale
Regardant de haut en bas,
Surplombant Omita
La fontaine du Tassu (les ifs ?)
Embrasse la croix neuve
Car la vieille, on ne l’a plus trouvée (elle s’est perdue)

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Ah la licence poétique..en un seul couplet, vous arrivez à Caprunale. Pas si évident. Longue montée en lacets qu’il faut absolument éviter au soleil. C’est là qu’on peut admirer le travail des terrassiers même si les éboulements détruisent peu à peu la route. Omita, c’est le nom de la forêt qu’on traverse en bas de la pente et celui aussi d’une maison forestière en ruines qu’on distingue sous les frondaisons. Et la fontaine, est celle dont je parle depuis un instant, celle où vous avez laissé votre voiture. Cette histoire de croix mérite une explication. Du temps de la transhumance, une vieille croix était scellée dans un rocher au passage du col. Une écuelle était là pour recueillir les piécettes laissées par les bergers et randonneurs. De temps en temps, quelqu’un descendait la collecte à l’église. La vieille croix a disparu. Il y en a désormais une autre.

4ème couplet
Eccu a Mirindatoghja,
Ti riposa di a cullata
Ma fà casu à a capra
Ch’ella ùn si sia sbandata
Se tù voli esse in Pùscaghja
Tranquillu pè a nuttata.

Te voilà à l’endroit pour manger,
Qui et repose de la montée,
Mais fait attention à la chèvre,
Qu’elle ne soit pas débandée
Si tu veux être à Puscaghja
Tranquille pour la nuitée.

Arrivé au col de Caprunale, un nouveau choix s’offre à vous après avoir cassé la croûte. Redescendre vers la vallée ou continuer sur Puscaghja, c’est à dire basculer sur l’autre versant. Repartir d’où on vient est tout à fait honorable. Vous aurez fait quelques heures de marche ( au moins 6 en aller-retour) surtout si vous avez tout parcouru à pied. Descendre à Puscaghja est plus excitant. Une grosse demi-heure de descente et au travers d’un environnement quelque peu sinistre (arbres foudroyés!!), vous arriverez dans la vallée de L’Onca. Un refuge vous y attend. Lors de ma dernière visite, il était tenu par le délicieux Dumè Flori. A ce jour, je ne sais plus ce qu’il en est. L’idéal, c’est de dormir à Puscaghja, comme le propose la chanson. C’est que je faisais étant jeune en pêchant dans la rivière qui loin de tout, était fort peu braconnée. Mais on peut, je l’ai fait plusieurs fois, boucler le tout dans la journée. L’aller retour, en marchant de façon honorable pedibus cum jambis tout du long, vous fera entre 8 et 10 heures de marche, car une fois descendu à Puscaghja, il faudra bien remonter au col de Caprunale. Moins si vous avez laissé la voiture à un endroit ou un autre. Et puis vous pouvez aussi continuer la route vers Guagnerola.. mais ceci est une autre histoire et d’autres couplets !

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Bardiana ou Barghjana…intricciata ou pas?

Un petit billet qui présentera l’intérêt, du moins à mes yeux, d’avoir un coté transverse. Ah, pardon, je ne suis pas au bureau. Par transverse, je souhaitais juste signaler qu’il touche aux trois sujets dont traite mon blog. La langue corse, la région du Filosorma et son histoire.
L’idée de départ c’est d’en finir avec cette manie d’écrire le nom de mon village avec une triphtongue.. Barghjana. Alors, une fois pour toutes, c’est Bardiana et je le prouve. Enfin, j’essaie.
L’histoire tout d’abord. Je crois avoir déjà écrit, que ce village a été fondé par notre aïeul. Mais je ne suis pas certain d’avoir donné tous les détails de l’affaire. Et si je l’ai fait sans m’en souvenir, tant pis. Ca donnera raison à ceux qui pensent que je radote autant à l’oral qu’à l’écrit.
Or donc, il y a bien longtemps, dans la seconde moitié du 19ème siècle, ledit aïeul était berger et occupait à cette fin, une grotte dans la vallée de Bocca Bianca.

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Un soir, il a vu arriver deux bandits. Des malandrins, des coupe-jarret, des voyous de la plus belle eau qui voulaient gîte et couvert. Il a accepté bien entendu. L’histoire retient volontiers les bandits d’honneur (concept sur lequel il y aurait beaucoup à dire) mais le maquis était surtout peuplé de canailles dont il n’y avait rien de bon à attendre. Pour faire bref, nous allons dire que les malfaiteurs avaient l’intention de tuer le grand-père dès qu’il dormirait mais que celui-ci avait compris leurs intentions. Il a attendu qu’ils s’endorment et les a occis tous les deux sans autre forme de procès. Les gredins étaient recherchés. Et en guise de récompense, l’aïeul s’est vu accorder une charge de garde des Eaux et Forêts. Après, un bref séjour dans la vallée d’Ascu, il est revenu s’établir dans le Filosorma où il a construit la première maison du lieu..la maison du garde..a casa bardiana. D’où le nom du village !
Parce que voyez-vous, et vous pourrez le vérifier dans l’excellent dictionnaire corse-français de Mathieu Ceccaldi qui fait référence dans nos pieve, garder se dit et s’écrit « bardà » et le garde « u bardia »..prononcer « ou wardia ».  En aucun cas, cette triphtongue « ghj » mise là pour rendre la prononciation.
A la rigueur, on aurait pu retenir « guardianu » ou « vardianu » comme le propose le nom moins excellent site de l’ADECEC mais ça ne restitue pas le « b » que nous entendons de façon distincte lorsque les niolains et Filosorminchi, parlent du hameau.
Tout ça pour dire, que la langue corse qui était de tradition orale a commencé à être codifiée relativement tard. Au 19ème siècle sans doute. L’idée était retrouver à l’écrit, les tournures parlées avec ces fameuses  trinaires ou intricciate (lettres intriquées ou composées ou emmêlées). Or, si leur utilité est évidente dans certains cas en début de mot notamment (comment écrire « chjamà » pour rendre le « tjia » ?) elle peut rendre inutilement complexe l’écriture de mots comme le « bardiana » dont nous parlons aujourd’hui.
Bref et pour conclure, il semblerait que cette affaire de triphtongues a pu déclencher en son temps, des débats animés. Je m’en voudrais de souffler sur des braises sans doute mal éteintes. Alors, en définitive, fatela cum’ella vi pare… faites comme vous voulez.

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Merci à la belette agile pour ses photos

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Le Fango….U Fangu….

Le Fangu court sous ma maison. Quelques minutes à pied pour le rejoindre. Il doit sans doute exister des fleuves plus beaux mais je n’en ai jamais trouvé. Et pourtant, j’ai parcouru quelques pays parmi les plus beaux.

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Le fleuve. Un peu présomptueux comme appellation pour un cours d’eau qui doit faire trois mètres de large au plus. Mais c’est justifié puisqu’il se jette à la mer.
Fangu ! Quelle injustice de voir qu’il pourrait tirer son nom de la boue, a fanga. Une eau aussi limpide, pure associée à la turbidité. Difficile à croire. Sauf, si on assiste à une crue. Et là, alors que tous les ruisseaux se rejoignent, une vague se forme et roule dans la vallée, emportant avec elle, des pierres, des arbres, jusqu’au delta de la Foce où pour un moment, la couleur de la terre l’emporte sur celle de la mer. Le marron envahit le golfe de Galeria et repousse le bleu turquoise, loin au large.

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Je connais le fleuve par cœur du moins les quelques kilomètres qui vont du pont de Mansu jusqu’aux trous proches de l’ancien village de Candela. Gamin, les piscines en bas de la maison pour apprendre à nager puis les premières émotions à la passerelle. Quatre ou cinq mètres de fond. Une eau verte. Et après l’aventure. Plus tard, les après-midi au soleil a  San Quilicu. Les plongeons pour épater les filles. Des sauts improbables. Il y a de la chance pour les adolescents amoureux. Nous aurions dû nous casser le coup cent fois en sautant toujours plus haut dans une eau toujours moins profonde. Puis la pêche. Bocca Bianca, Cavicchia avec les nuits à la belle étoile, enroulés dans une simple couverture.
Il faut bien comprendre qu’à l’époque, la vallée du Filosorma était inconnue ou presque. La route venait d’être goudronnée et elle était bien étroite. Les touristes filaient sur Porto en ignorant, tant mieux pour nous, la vallée qui s’ouvrait à gauche en arrivant au carrefour du moulin. Le Fangu nous appartenait.

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A la fin de l’été, alors que le village disparaissait très vite, le fleuve nous accompagnait  jusqu’au pont des cinq arcades. Il y a avait de l’eau dehors et de l’humidité dans la voiture silencieuse.
Un fleuve aussi beau ne pouvait rester ignoré si longtemps. Désormais, les rochers sont noirs de monde et tout le long de la route, les voitures sont alignées. Normal. Rien à dire. Pourquoi priver le monde de cette beauté. Simplement le Fangu souffre et étouffe à la manière d’un organisme vivant qu’on embrasserait trop et d’une manière trop violente.

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La crue, la grande crue de la fin du mois d’août, celle là je l’aime bien. C’est le Fangu qui s’ébroue, qui fait sa grande toilette et charrie au plus loin, les traces de l’été. Les vacances sont finies et le fleuve respire.

U Fangu…

U Fangu corre sottu a mo casa. Una stondetta a pedi per raghjunghjelu. Ci seranu fiumi forse piu belli ma un l’aghju mai trovi . Eppuru, aghju giratu parechji paesi tra i piu belli.
U fiume. Un pocu d’orgogliu cume nome per un corsu d’acqua chi fara di piu, tre metre di largu. Ma, si po di omu, postu chi stu corsu si lampa in mare.

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Fangu ! Piu bella inghjustizia di vede chi u so nome puderia vene di a fanga. Un acqua cusi limpida, pura, assuciata a a turbidita. Difficiule da crede. For di vede una fiumara. Allora, quandu tutti i ghjargalli si trovanu, si forma una matarasciata chi roda indè a valle, purtandusine, pedre, arburi sin’a u delta di a Foca induve per un mumentu u  culore di a terra supraneghja quellu di u mare. U castagninu invadisce u golfu di Galeria e rispigne u turchinu, luntanu a u largu.

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Cunoscu di mente, quellu fiume, o mancu i qualchi chilomètri chi vanu di u ponte di u Mansi sin’a li pozzi vicini di u paese abandunatu di Candela. Zitellu, i pozzi, in ghjo di a casa per amparà da nutà eppo i primi emuzioni sotta a verga. Quatru o cinque metri di fondu. Acqua verde. E dopu l’aventura . Piu tardi, stonde assulanate dopu mezziornu in San Quilicu. Capiciotti per abbacciacà e zitelle. Salti assai imprubabile. Ci sera un Diu per i pullastri inammurati. Ci era a piazza per truncassi u colu cente volte saltandu cusi da un scogliu sempe piu altu in un acqua sempre menu prufonda. Eppo a pesca. Bocca Bianca, Cavicchia incu e notte a chjardiluna, ingutuppati in qualchi cuverta.
Ci vole da sapè chi, a l’epica, u Filosorma un era cunisciutu di nimu o guasi. A strada venia di esse catramata e era bella stretta. Turisti pigliavanu per Portu, lasciendu, tantu megliu per noi, u valle chi s’apria a manca ghjughjendu a u cruccivia di u mulinu. U Fangu ci pertenia.

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A a fine di a statine, mentre chi u paese smariscia prestu prestu, u fiume ci accumpagniava sin’a un ponte di e cinq’arcate. Ci era acqua a l’infora e umidita indè a vittura zitta.
Un fiume cusi bellu un pudia firmà scunisciutu. Oramai, e sponde so neri di mondu e e vitture so in infilate nant’a u stradone. Nurmale. Nulla da di . Perche privà a ghjente di questa belleza ? Ma u Fangu soffre e stufa quante un urganismu qui seria troppu abbracciatu e di una manera viulenta.
A fiumara, a grande fiumara d’aostu, questa qui mi piace assai. E u Fangu chi si scuzzuleghja, chi face a so tualetta et chi si porta a u piu luntanu, e traccie di l’estate. Vacanze so finite e u fiume si rinfiata.
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Filosorma.. les beaux étés

Je ne vais plus l’été au Filosorma. Trop de bruit, trop de monde et une chaleur blanche trop violente pour mes yeux et mon moral. Je préfère l’automne des champignons et le printemps des truites. Pourtant, aujourd’hui c’est de cette saison dont je vais vous parler . Non ce n’était pas mieux avant. C’était juste différent. J’étais un gamin et c’est aussi simple que ça.

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Juillet c’est d’abord des fenêtres qui s’ouvrent. . Les maisons s’ébrouent. Tard dans la nuit, des lumières restaient allumées à peu près partout et du haut du village, près du cimetière, je voyais comme une guirlande. Les grands trou d’eau, i pozzi, s’étaient remplis de gamins braillards et encore pâlots. C’était la période des retrouvailles aux invariables questions où on devait pêle-mêle donner des nouvelles rassurantes sur ces succès scolaires, affirmer haut et fort qu’on préférait la Corse au continent et refuser avec tact la sempiternelle grenadine. Tu as appris à parler corse……oui…comment tu dis bonjour…arrête…il vaut mieux que tu parles français que d’estropier le corse… Les enfants faisaient un tour rapide de chaque maison pour saluer la parentèle. C’était un premier devoir de vacances. Il convenait de n’oublier personne. Plus tard, lorsque la chaleur était un peu retombée, les parents après un coup de ménage, une maison qui reste fermée est pleine de poussière, passaient une tenue décente, pantalon à manches longues et chemisette, et se préparaient, avec une mine de circonstance, aux visites de condoléances. Ce n’est qu’après ces exercices obligés que les vacances commençaient.
Le bar connaissait sa période faste. Le camion des glaces montait deux fois par semaine. Le soir, alors qu’un petit vent descendait de la grande barrière toute rouge devant le dernier soleil de la journée, les touristes refluaient et c’était l’heure de l’apéritif. Pastis. Ou pastis. Et politique. Il y avait un plaisir un peu pervers à se trouver là à renouveler, une année après l’autre les mêmes gestes aux même heures. Une forme d’ennui, une indolence dont chacun était plus ou moins conscient mais que personne n’avait envie de combattre. L’impression d’être à sa place dans une pièce écrite pour chacun avec des dialogues identiques, des réparties prévisibles pour des rires annuels.

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Les vacances ne duraient pas assez longtemps pour qu’on s’en lasse.
Puis le mois de juillet touchait à son terme. Les enfants pâlots et un peu grassouillets du début étaient désormais aussi noirs et secs qu’une branche de ciste après le feu. Des heures de cavalcade dans le village et de baignade dans le fleuve avaient transformé les gamins. Ils avaient même pris l’accent et ponctuaient leurs phrases d’expressions locales… Le moment était venu pour eux de repartir. Il fallait laisser la place à une nouvelle cargaison de petits exilés qui devaient bronzer à leur tour.
Le jour avant, le père préparait la voiture. Il mettait la galerie en pestant. Comme d’habitude ils allaient repartir plus chargés qu’à l’aller. Les enfants raisonnaient « en dernier »…Le dernier plongeon, la dernière promenade au fond du village pour se faire peur près du cimetière, la dernière glace… Puis, pendant que les parents chargeaient le break, valises, glacière pour le fromage, on glisse dans les interstices les canistrelli apportés par les tantes, et la monnaie du pape pour faire des bouquets dans le salon, la monnaie du pape qui battait au vent du voyage en perdant ses yeux et qui faisait enrager le conducteur. Un moment peu plaisant en vérité. On embrasse les voisins, à l’année prochaine, puis les parents, on ne dit rien, puis on finit par le père et la mère si par bonheur, ils sont encore vivants. Portez-vous bien. Il y aurait tant de choses à dire à ces petits vieux qui vous serrent. Tout ce qui n’a pas été dit jusque là. La peur de ne pas les revoir. L’amour qu’on leur porte. Mais on ne dit jamais rien. Deux baisers de plus que d’habitude, la gorge serrée, le conducteur qui monte dans la voiture car il ne faut pas rater ce foutu bateau, putain de mouchoirs qui s’agitent, et au dernier tournant, devant la première et dernière maison du village, un long coup de klaxon pour la dernière silhouette, toute menue qui n’a pas bougé. Et puis, quelqu’un se mouche et c’est fini jusqu’à l’année prochaine… si Dieu le veut…

lesbeauxetes

 

Ceux d’août arrivent à peu près en même temps. Ils sont blancs et excités et contents d’être là. La pinède ronfle sous la chaleur. Le fleuve roule moins d’eau. Ils dépoussièrent à leur tour la maison et refont le parcours des condoléances. Encore un mois. Le village vit encore. Un peu. Mais on n’y pense pas. Les jours se suivent et se ressemblent au village. En apparence. Les estivants qui font une halte voient des rues assoupies. Des volets qui sont fermés à l’heure de la sieste et ils entendent lorsque la fraîcheur revient, des conversations qui paraissent identiques aux tables de la terrasse. C’est une illusion. Les gens ne sont pas les mêmes. Leur existence évolue au gré des petites nouvelles et des grands malheurs. La lumière qui tremble aujourd’hui près de l’église n’est pas la même qu’il y a deux jours. Cette maison est fermée alors qu’hier des draps pendaient sur un fil dans le jardin. L’ombre des châtaigniers est plus fraîche et si les moineaux reviennent en bande à la même heure pour se nicher, leur arrivée ne se fait plus dans la lumière du jour. La lumière, elle est peu plus grise, juste un peu. Assez pour que les observateurs habitués sachent que l’été tourne. Des nuages tout ronds s’accrochent au sommet. Il y en avait un la semaine dernière. Il a réuni sa famille désormais. Ca fait une crème rosâtre. Et hier, en fin d’après-midi, l’orage est venu en montagne. Les enfants, faites attention à la crue, ont dit les mères et les tantes, tout comme l’an passé. Les enfants ont répondu ce que répondaient leurs aînés. On connaît la rivière, ne vous inquiétez pas puis ils sont descendus garçons devant, filles derrière, jusqu’au fleuve. Dans la vallée, le temps changeait. Le matin, en se levant, les villageois voyaient les sommets couverts de nuages noirs qui résistaient de plus en plus tard. Le tonnerre se faisait entendre jusqu’en milieu de matinée. Puis le soleil revenait. Il faisait toujours très chaud mais un vent un peu humide descendait de temps à autres faire bouger les parasols du bar. Un jour, sans que ça ne surprenne personne, le ciel était pris du coté de la mer. Les pins bougeaient en cadence et pendant une heure ou deux, les optimistes purent penser qu’il ne pleuvrait pas. Ils n’avaient pas de mémoire ou alors n’étaient pas d’ici. Car, quand la marine est noire, que les nuages qu’elle crache galopent vers leurs cousins des crêtes, il pleut toujours. D’un coup, le vent se calme et il ne se passe rien pendant de longues minutes. Puis les feuilles du cerisier se mettent à frissonner. L’air est plein d’eau. Il ne pleut pas encore mais ça sent déjà l’humide. Une première goutte, large et gourmande, tombe. Puis très lentement une autre. Puis une suivante. Et les sommations passées, l’orage envoie l’artillerie lourde.
Des cascades s’abattent sur les lauzes, rebondissent sur les murs, courent dans les carrughji. Le vent ouvre les volets et visite les maisons. Il faut allumer les lampes. L’obscurité est là qui fait peur aux gamins planqués sous les escaliers. Tu te souviens quand les plombs sautaient. Lorsque la foudre a tué le berger a Petra Pinzuta. Les histoires d’orage font plus peur que la foudre elle même qui tombe là haut où les deux rivières se rejoignent à une heure de marche du village. Si proche pourtant. Après, ça s’arrête. Le premier orage de mi août est bref. Un apéritif, juste manière de dire qu’il s’installe et qu’il reviendra. Quand il est parti, c’est du tout bon. Rien que des odeurs fortes et une impression de grand nettoyage. Le vert est vert, on l’avait oublié. Les oiseaux et les enfants sortent en même temps. Direction, chasse aux vers pour les uns et le premier virage pour les autres d’où on voit le mieux la montagne et le torrent car il faut maintenant guetter la crue. Il y a des cascades qui se sont formées dans les calanches. Les ruisseaux ont grossi. Personne n’ira se baigner aujourd’hui. Ni demain, dans une eau de crue, les vieux ont transmis le message, on peut attraper les fièvres de Malte.
Un lancinant coup de klaxon était début septembre mon dernier adieu. Le village était vide. Les derniers touristes trouvaient sans peine à se garer. Ils n’avaient plus besoin de monter jusqu’au cimetière. De petites troupes, sans enfants, descendaient au fleuve où les attendait une eau bien refroidie par les orages qui désormais éclataient chaque nuit en montagne.

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Filosorma..la vierge et l’âne

Il se dit en Filosorma mais ailleurs aussi que pour tracer une belle route dans nos reliefs montagneux, il ne faut pas avoir recours à un ingénieur. Non. Il faut préférer un âne. N’y voyez pas là une attaque gratuite contre la noble corporation issue des Ponts et Chaussées mais plutôt l’expression d’une admiration non feinte pour cet humble quadrupède. Et puis qui mieux que lui trouvera le chemin le plus sûr et le mieux adapté à un cheminement paisible et respectueux de l’environnement ? Je vous le demande. Ce point étant acquis et je pense partagé de manière unanime, laissez moi vous raconter l’histoire de l’âne qui décidât du destin du couvent de Santa Maria di a Stella.. Sainte Marie de l’Etoile. Il semblerait bien qu’elle soit vraie du moins en partie et puis comme le disent nos cousins italiens, si non è vero è ben trovato ! Vous qui me lisez de façon régulière et attentive, savez déjà que le Filosorma est une vallée dans laquelle court le Fangu. Or donc, le Fangu se jette à Galeria dans une forme d’estuaire appelé a Foce où s’ébattent les cistudes et autres animaux plus ou moins aquatiques mais ceci est une autre histoire. Dans une époque reculée, Galeria comme son nom l’indique était un port. Je reprendrai à mon compte la célèbre tautologie gaullienne pour préciser que c’était un port de mer et qu’il a bien entendu le rester. Mais, en ces temps reculés, nous parlions de navigation commerciale périlleuse et non pas de plaisance tranquille façon pastis sous le taud. Un navire sans doute napolitain courait sous le vent par une terrible nuit d’orage. Il courait sous le vent et à sa perte sans espoir de trouver un abri tellement la mer était déchaînée. Le capitaine s’était fait attacher au mât et s’en était remis à la Vierge. Il la priait de l’aider lui promettant de l’honorer si elle le sortait indemne de cette aventure. Soudain, une étoile d’une brillance rare, s’était mise à luire comme un phare au milieu des nuées. Le pieux capitaine avait aussitôt mis le cap en direction de cette étoile et toujours en la suivant, il avait fini par mettre son navire à l’abri dans le golfe de Galeria. Fidèle à sa promesse, il avait remonté la vallée du Fangu en suivant la direction générale indiquée par ce signe marial et avait fini par trouver l’endroit idéal pour édifier un couvent dédié à sa bienfaitrice. Le couvent avait été doté par ses soins d’une statue représentant la sainte, statue dont il se dit rapidement qu’elle était dotée de vertus miraculeuses. Arrêtons nous un instant sur le tri qu’il y a lieu de faire entre légende et réalité. Je serais bien en peine de confirmer cette affaire de sauvetage miraculeux vu que je n’étais pas là à l’époque. Mais, je peux attester de l’existence d’un couvent sur la rive droite du Fangu, en contrebas de l’ancienne route de transhumance. Juste à l’endroit ou le ruisseau de la Scalella se jette. Ca me fait penser qu’un jour il faudra que je vous raconte comment mon arrière grand-oncle qui labourait dans le coin a vu son attelage s’enfoncer dans la terre. Il était sans doute tombé à tous les sens du terme dans l’arca, la fosse commune du couvent. Toujours est-il qu’il avait formellement interdit à ses enfants de travailler la terre à cet endroit. Mais je m’égare et vous vous demandez ce qu’a bien pu devenir l’âne dans toute cette histoire. J’y viens ! Le couvent placé dans une basse vallée n’était pas sûr à une époque où les pillards barbaresques opéraient volontiers des razzias. Il fallait donc déplacer la statue en un lieu plus inaccessible. Toutes les communes du Niolu, la haute vallée d’estive dont dépendait alors le Filosorma revendiquaient la Vierge. Les débats oiseux n’en finissaient pas. Jusqu’au jour où, un des participants proposa d’attacher la statue sur le dos d’un âne et de le laisser aller à sa guise. Un nouveau couvent serait fondé à l’endroit où il s’arrêterait. L’animal suivi on l’imagine par une longue théorie de supporters avait franchi les cols de Caprunale puis de Guagnerola avant que de se diriger vers Albertacce, puis Casamaccioli où il s’était arrêté sur la place. Toutes les tentatives des habitants de Lozzi, Corscia, Calacuccia se révélèrent vaines. L’âne ne bougeait plus et si on parvenait parfois à la traîner, il revenait à sa place. Le couvent fut donc bâti là. Depuis, a lieu annuellement, chaque 8 septembre, fête de la Nativité de la Vierge, un pèlerinage, doublé depuis 1835 d’une foire commerciale de trois jours, la fameuse foire de la Santa. Et voilà comment un âne fit la fortune d’un village. Quel ingénieur peut en dire autant ?

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Pietra fraîche et diable trompé

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

Un sourd mécontentement montait dans mon lectorat frustré de ne pas se voir livrer des indications plus précises quant à la localisation de la vallée du Filosorma. D’aucuns commençaient même à répandre une rumeur suivant laquelle l’endroit serait imaginaire. Je croyais pourtant avoir fait litière de ces allégations lors d’un précédent billet. Mais soit! Il me  faut céder et donner plus de détails.

Pour bien découvrir l’endroit, je vous conseille de vous installer en saison sur la terrasse du snack «  A Muvrella  ». Publicité gratuite pour l’établissement exploité par ma cousine. Il est de bonne tenue sinon, je ne me permettrais pas http://muvrella.pagesperso-orange.fr/. De l’endroit où vous vous trouverez à cet instant, croquant dans quelque sandwich au lonzu et regardant avec la satisfaction du propriétaire, une Pietra gouttelante de fraîcheur, de cette terrasse donc, vous pourrez découvrir un paysage panoramique sur la «  grande Barrière  », le bassin du Fangu et ses affluents.

Cette vallée a connu un peuplement ancien. C’était un lieu où les bergers des hautes vallées du Niolu venaient passer l’hiver à la plaine avant de remonter en estive dans les bergeries de montagne.

C’était la route de transhumance «  a muntagnera  » qui empruntait les cols de Caprunale et de Guagnerola. Je l’ai déjà évoquée comme quoi ce libre parcours de blog obéit néanmoins à une certaine cohérence.

La vallée du Filosorma correspond au bassin du Fangu et compte quelques villages, Bardiana, le plus récent, est celui où vous vous trouverez.. Montestremu le plus haut perché sera en face de vous et Mansu caché par un repli est plus en aval.

Bardiana a été créé par notre aïeul qui était garde forestier. Sa maison «  a casa bardiana  » la maison forestière a donné son nom au village qui s’est développé de part et d’autre de la route forestière. A l’ubac hélas mais nul n’est parfait pas même les hameaux.

Ce fut un endroit peuplé et animé jusqu’au lendemain de la seconde guerre. On y cultivait les céréales et cette micro-région vivait dans le cadre d’une économie agro-pastorale. Puis petit à petit, elle s’est dépeuplée pour retrouver de la vie au moment où l’été arrive.

Levez les yeux et observez ! Au tout premier plan, le confluent entre les rivières venues de droite et de gauche. A partir de ce confluent on peut parler du Fangu. La vallée de droite remonte vers Caprunale. Celle de gauche vers les sommets qui surplombent Asco et le Niolu.

Vous observez plus haut, un chaînon rocheux qui sépare bien deux vallées, celle de la rivière Cavichja à droite et celle de Bocca Bianca à gauche. Cet endroit se nomme «   E force  » les fourches.

De la gauche vers la droite vous pouvez voir certains des sommets les plus hauts de Corse. En plein milieu de la vallée de gauche, cette pointe triangulaire se nomme a Muvrella.. Derrière elle, la station de ski du haut Asco..à une bonne dizaine d’heures de marche toutefois.

Plus à droite, le Stranciacone aux formes plus arrondies. Puis la Punta Missodia et enfin (hors dessin) surplombant un cirque bien connu, celui de la solitude, traduction très, trop, exotique pour un lieu que les bergers nommaient i cascittoni ou ghjarghja minuta, et enfin a Punta Minuta et ses névés. C’est le parcours du GR20 dans sa partie la plus alpine.

Vous avez remarqué bien entendu la montagne trouée, le Tafunatu. J’y reviendrai. Derrière, on peut distinguer un promontoire qui la prolonge. En fait il s’agit de deux sommets différents. Ce promontoire c’est la Paglia Orba qui est séparée du Tafunatu par un col étroit nommé le col des Maures. Derrière ces sommets, les hautes vallées du Niolu. Cette longue suite de sommets dont plusieurs dépassent les 2000 mètres, ne peut être franchie qu’à deux endroits. Les mollets vous démangent à l’évocation de ces sommets. Je vous suggérerai plus tard quelques idées de promenade.

Mais avant d’en arriver là, pourquoi ne pas conclure aujourd’hui par une vieille légende.

 » Au temps où Saint-Martin gardait les troupeaux dans les prairies du Niolu, il reçut la visite d’un étranger qui lui demanda d’entrer à son service. Ce dernier semblait nécessiteux, le saint l’engagea donc, dès la première nuit où il partagea sa hutte avec son domestique, il s’aperçut que celui-ci dégageait en dormant, une forte odeur de soufre.Le lendemain matin, Martin dit au pâtre qu’il avait deviné sa véritable identité et qu’il ne pouvait le garder à son service. Le diable entra dans une violente colère. Il s’en alla donc, décidé à rester dans les environs et à faire à Saint-Martin une redoutable concurrence.

Le diable qui sait admirablement déguiser sa méchante personne s’en alla trouver le chef du village du Niolu. Il lui proposa de lui construire un pont sur le Golo en échange de la propriété d’une âme à choisir dans son village. Mais celui-ci s’en alla demander conseil à Saint-Martin. Quelques heures plus tard, le diable réapparut, le chef du village donna son accord mais le pont devait être complètement achevé en une nuit, c’est à dire, avant que ne chante le coq. Le satanique ingénieur se mit au travail, toute la nuit on entendit près du Golu un vacarme épouvantable, le pont était presque achevé tant les milliers de diablotins appelés par Satan à son aide avaient mis d’ardeur à leur ouvrage. Au milieu de ces ténèbres enfiévrées par le tumulte infernal, un homme marchait calme et paisible, il contempla le travail exécuté. Une seule pierre restait à poser. La clé de voûte du Pont.

Alors l’homme sortit de dessous son manteau un coq. Le coq s’étira et se mit à chanter. Un cri de rage partit des rangs des travailleurs de l’enfer. À son tour, le diable, poussa un rugissement affreux et lança en l’air son outils inutile. Le marteau alla frapper le « Capu Tafonatu », (la montagne trouée) qu’il traversa de part en part. Et c’est ainsi que fut creusé le trou du diable, à l’instant précis où Lucifer disparut. « 

Des lettrés, des savants, des géologues évoquent un problème d’érosion à propos de ce trou. Pourquoi pas. Chacun est libre de croire ce qu’il veut y compris au diable.

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Il était une fois..Tempi d’una volta

Cet article a été publié pour la première fois sur l’excellent site http://www.la-rando.com/

Ne comptez pas sur moi pour vous dire où se trouve le Filosorma. Vous trouverez bien par vous même. La vallée est reculée. Au point que lors d’un séjour en Castagniccia dans la famille d’un pote étudiant (c’est vous dire si c’est vieux!), la maman de cet ami m’a demandé d’où je venais. Question rituelle en Corse car on est de quelque part avant d’être quelqu’un. Quand je lui ai dit que je venais du Filosorma, elle n’en revenait pas! Elle croyait que c’était une contrée imaginaire puisque que chez elle, on disait « è in Filosorma »  » c’est au Filosorma » pour évoquer un endroit mystérieux et lointain. Pas étonnant qu’une région aussi reculée soit le berceau d’autant de légendes! Jugez en plutôt et en version bilingue..

Tempi d’una volta

Tempi d’un volta…un zitellettu innafantatu da e fole ch’ellu sentia a veghja, ma chi, mancu per more, un averia lasciatu a so piazza .

Zii e zie li parlavanu di e «  streie  » chi venenu, travestite in bellule, per suchjà u sangue da e criature indè i beculi, passandu per u chjavaghjolu. Li contavanu cumu a nebbiaccia chi si pesa, capinsu, versu a Caprunale, è populata da spiriti, i lagramenti, chi u so mughime arrica tantu a paura a u viaghjadore, ch’ellu finisce per lampassi in qualchi pricipiziu. Li facianu sente stessu u rimore di a carriola da i morti , a squadra d’arrozu, ch’agguantanu l’anime da i passante, persi a notte per questi chjassi abbandunati. U zitellu amparava chi un ci vole micca francà u ghjargalu senza lampacci una petra per alluntanà i spiriti di quelli chi stanu sotta a l’acqua.

Omu citava in gran’ sicretu, l’omu o a dona chi era mazzeru o mazzera. U cacciadore notturnu, chi si ne va indè a macchja per caccidià, tomba una fera e vede subitu a faccia di qualchi paesanu. A morte di questuqui un era tantu a ghjunghje. Timutu era u mazzeru chi cuniscia i sicreti di u destinu e sappia parlà incu l’animali e a natura.

Stu mondu chi u zitellu scupria era magicu pienu d’ovi chi un divintavanu mai fracichi, perche eranu stati fatti u ghjornu di l’Ascinzione e facianu piantà u tempurale. U pane di San Antone assicurava e case.

Ci era a l’infora, a bughjicone, mortuloni cattivi e qui, vicinu a lampana a pitroliu, quelli chi sappianu e sosule per cumbatteli. Una notte di Natale, a so Mamma li amparo e preghere per crucià l’occhju. Un a micca avutu u tempu di amparaline di piu…

U zitellu è divintatu un omu. Ellu sa chi tuttu que è a prova chi i Corsi anu di cascu questa vicinanza incu a natura e a memoria di certe cose venute da i primi tempi, sminticate altro. Ellu sa dino chi questa sapienza si perde e ch’ellu si perde incu n’ella un pezzu di piu, da cio chi no semu. St’omu, oltru quelle infrasate, vulerebbe simplicemente chi quelli chi l’anu da leghje appianu sempre in mente e in core, tutte ste storie e incu n’elle, quelli chi cunuscianu l’arcani e anu raghjuntu ava a pinumbra .

Ci so i ghjorni ch’omu vulerebbe tantu esse impauritu torna….

Il était une fois

Il était une fois…un petit garçon épouvanté par les histoires qu’on lui racontait à la veillée mais qui n’aurait laissé sa place pour rien au monde.

Les oncles et tantes lui parlaient des sorcières qui viennent, déguisées en belettes, pour sucer le sang des bébés dans les berceaux en passant par le trou des serrures. Ils lui racontaient comment le brouillard qui se lève, là haut, vers Caprunale est peuplé d’esprits, les lagramanti, dont les hurlements font tellement peur au voyageur qu’il finit par se jeter dans un précipice. Ils lui faisaient entendre le bruit de la charrette des morts qui saisissent les âmes des passants perdus la nuit sur les chemin déserts. L’enfant apprenait qu’on ne devait pas traverser un torrent sans y jeter une pierre pour éloigner les esprits de ceux qui vivent dans les eaux.

On lui désignait en secret, l’homme ou la femme qui était mazzeru. L’esprit chasseur, qui la nuit part dans le maquis, tue un animal et voit alors le visage de quelqu’un du village. La mort de celui-là était proche. Le mazzeru était craint car il connaissait le secret du destin et parlait aux animaux et à la nature.

Ce monde que découvrait l’enfant était magique, peuplé d’œufs qui ne pourrissaient pas parce qu’il avaient été pondus le jour de l’Ascension et arrêtaient les tempêtes. Le pain de Saint Antoine protégeait la maison.

Il y avait dehors dans la nuit noire des esprits malveillants et là autour de la lampe à pétrole ceux qui connaissaient les recettes pour les combattre. Une nuit de Noël, sa mère lui apprit même les prières pour combattre le mauvais œil. Elle n’eut pas le temps de lui en apprendre d’autres.

L’enfant est devenu un homme. Il sait que tout cela est la preuve que les Corses ont en héritage une grande proximité avec la nature et la mémoire de choses venus des premiers temps, qui ont été oubliées ailleurs.

Il sait aussi que cette connaissance se perd et avec elle un morceau supplémentaire de ce que nous sommes.

Cet homme à travers ces quelques lignes voudrait tout simplement que ceux qui vont le lire n’oublient pas ces histoires et avec elles, ceux qui connaissaient les secrets et ont rejoint à leur tour le royaume des ombres.

Il y a des jours où on aimerait pouvoir avoir peur de nouveau.

Plus de détails dans le prochain billet… s’ella vi piace.. si ça vous plait!

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Ces textes ont été initialement publiés dans l’excellent site http://www.la-rando.com/

Capicursura Auturnu in Corsica, mi piace assai. Pare chi dopu tempi di calmana e invasione estivu, a terra trovi torna u riposu e si rifiati. U mo paese è pienu d’una musichella chi ava supraneghja. Quella di a funtana nantu a a piazza et dino quella di u vergalu chi ava chi è piossu, corre torna. Ognitantu, una fucilata, u rimore indè a machja di quelli lignaghjoli chi arruchjanu, u legnu chi omu accatasta vicinu a a casa e, e prime ceppate sciuppintendu. U frescu si ne falla a sera da e muntagne e ben chi e ghjurnate sianu sempre splendide, omu a sente chi si ne fughje a stagio. Ci vole a esse un cerbellu ottusu per lagnà l’istate e a so viulenza. Culori bruttale, sciappittana, rimore di a ghjente. Quelli chi so omi dilicati, di a sterpa chi li ghjove quelle stondette miraculose rigalate da a natura, quessi si sceglieranu l’auturnu quante omu sceglie una dona bella e discreta in vece di un ‘altra, forse piu splendida ma vidicula.  T’arrizzi a mane, so appannati i vetri, e bevi u to caffè arritu arritu agguardendu l’ortu e e muntagne piu in su , induve a fumaccia resiste sempre. Ma un sera tantu u sole, a vince. Tandu sera l’ora di mette i scarpi, una vesta per e prime stonde di a spassighjata et po sorte in fattu fine.  A piniccia ti rigalara i lattosi, altro si tu si furtunatu, seranu sprignoli e gallisturzi e si tu ti lampi indè i vecchji giardini, truvarè parachini, bianchi bianchi a mezza erba verde chi ti feranu spirlichjite. Tamanta tranquillità e in listessu tempu un speziu di tristezza chi vedi chi tutta questa belleza è viota e senza umanità. Muri murzicosi si ne fallanu e i castagni so a l’allera. E castagne…rutuleghjanu, piccanu e si lascianu piglià quante ghjuvelli castagnini luccicandu indè i so stuccii mezz’aperti. Ne ruzzichi una a punta di a cultella e coglii l’altre, una piena sporta. Sta sera, arrusteranu nantu a a brusta. Acelli volenu, so petraghjoli, i culombi un so ancu ghjunti. Pare chi indè i tempi, eranu cusi numerosi chi aniulavanu u celu, mascandu u lume di u sole. Tuttu d’un colpu e fucilate di tandu ti parenu ava piu triste. Di quassu, di a cresta, vedi u paese e qualche fumacciole assai scarse chi cullanu in celu. Siluette chi s’affurianu sin’ a u camione di u panateru. U scornu di pane, un pezzu di carne purcina, vicinu a l’oghju ghjacciatu e po fallarè versu e