Archives par étiquette : SCB

Début de saison…1er épisode

Le Filosorma m’a inspiré une (longue) nouvelle policière que j’ai écrite pour rendre service à un copain dont le site sur le SCB périclitait. Je vais la faire paraître ici en quelques épisodes et nous verrons si vous trouvez le coupable avant la fin.. Je précise que pour l’essentiel, toute ressemblance avec des personnes ou des lieux réels est fortuite!!

De sa bergerie, Hyacinthe voyait toute la vallée. Du grand virage de l’inzeccha jusqu’au bourg, il pouvait tout surveiller. Le torrent en contrebas, presque trois kilomètres de route, l’entrée du village jusqu’au cimetière et bien entendu la place et le bar d’Ange-Etienne.
 Pour peu que le vent souffle dans la bonne direction, il entendait  même les conversations. Il fallait simplement que les habitués du bistrot, les joueurs de pétanque ou les femmes attendant le camion du boulanger parlassent fort. Mais ce n’était pas rare. Aussi, lui qui descendait assez peu du petit plateau où il tenait ses bêtes, était-il souvent averti de choses qu’il n’aurait pas du normalement connaître du fait de son éloignement. Mais cette science n’étonnait personne. Les habitants d’en bas connaissaient l’effet du vent. Et puis, s’il avait entendu quelque chose, c’était parce que quelqu’un s’était exprimé en public et de manière suffisamment claire pour qu’il ne s’agisse pas ou plus d’un secret.
A vrai dire, Hyacinthe ne montrait en règle générale que peu d’intérêt pour les affaires de ses concitoyens. Querelles de voisinage ou politiques, cancans et rumeurs le laissaient de marbre. Sans être misanthrope, il préférait rester chez lui près du troupeau. A ceux qui le taquinaient à ce propos, il faisait remarquer avec logique, qu’il ne voyait pas l’intérêt de marcher une demi-heure pour descendre et autant pour remonter alors qu’il voyait et savait tout, sur des sujets qui de toute manière lui étaient toujours indifférents.
Il réservait le meilleur accueil à ceux qui venaient le voir. Les paesani avaient droit à un salut enjoué et une conversation qu’on aurait pu qualifier d’urbaine, n’eut été le caractère très campagnard du lieu.
 Les rares touristes bénéficiaient d’un salut poli  et de réponses précises leur permettant de trouver le chemin  qui menait au col , but de leurs invariables promenades. Il s’était même accommodé des questions sur ses chèvres, son fromage et sa vie d’ermite. Il supportait avec une inaltérable patience, la conclusion classique de ces échanges culturels. Vous en avez de la chance d’être près de la nature et dans un si beau coin. Il en avait de la chance. Il était surtout habitué à sa vie et était devenu sage par obligation. Certain de ne pouvoir changer son sort, il le trouvait supportable.
On ne lui connaissait qu’une passion. Sans qu’on sache trop où et comment, il en était venu à adorer le football  ou pour être plus précis, le Sporting Club de Bastia. Hyacinthe n’était pas un connaisseur, un puriste, faisant et refaisant les équipes, commentant les stratégies. Non, ce qu’il aimait c’était deux fois par mois, lorsque le club jouait à domicile, descendre au village après avoir passé un jean et une chemise à carreaux, et aller à Furiani en voiture. Quatre-vingt kilomètres, deux heures aller, deux heures retour par des routes à surprises, pleines en saison d’estivants déportés sur la gauche et toute l’année de bovins irresponsables.
 Il ne conduisait pas. Aussi, il se faisait transporter par ceux qui, comme lui, n’auraient manqué un match sous aucun prétexte. L’été, il y avait toujours quatre ou cinq voitures avec les juilletistes et aoutiens de retour. L’hiver, au moins deux pour peu que le SCB joue les premiers rôles. Une seule si le ballon avait roulé dans le sens contraire. Lorsque les résultats étaient mauvais, personne ne serait descendu au stade, s’il n’avait pas été là. Mais, bon an mal an, Hyacinthe n’avait jamais raté un rendez-vous.
C’était la veille du début du championnat. Ce matin là, très tôt, après avoir sorti le troupeau, le berger s’était fait réchauffer du café dans un bol blanc à col rouge et surveillait la route.
Une animation inhabituelle avait régné au village dès l’aube. Il avait vu Ange-Etienne sortir de son bar, très en colère. Il n’y y avait personne à prendre à témoin. Aussi, il était rentré dans son établissement très vite, puis ressorti à de multiples reprises. Les villageois les plus matinaux avaient fait un détour vers le bistrot avant d’aller au jardin. Ce n’était pas dans leurs habitudes. Il y avait donc quelque chose à voir.

Merry Krimau SECB 1978

 

PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…