Le Filosorma m’a inspiré une (longue) nouvelle policière que j’ai écrite pour rendre service à un copain dont le site sur le SCB périclitait. Je vais la faire paraître ici en quelques épisodes et nous verrons si vous trouvez le coupable avant la fin.. Je précise que pour l’essentiel, toute ressemblance avec des personnes ou des lieux réels est fortuite!!
L’adjudant et son gendarme l’attendaient sur la placette à l’ombre de l’orme, près de leur véhicule. Cette vision contraria beaucoup Ange-Etienne. Il était censé avoir été à la gendarmerie. Son excuse était éventée. … »…Bonjour…on m’a dit que vous étiez parti pour la brigade…on a du se croiser dans la vallée… on s’est arrêté souvent pour descendre dans le fleuve…c’est ce que j’ai dit à votre neveu… » Bien l’adjudant. Il sauve la face…. »Oui, j’ai vu votre voiture engagée sur une piste. J’ai compris que vous n’étiez pas à la brigade alors je me suis arrêté un peu plus bas pour me reposer au frais… »
L’adjudant en leva son képi, l’utilisa un instant comme un éventail puis reprit avec une certaine fermeté…. » Monsieur Ange-Etienne, ici personne ne parle mais tout ce sait. Il se trouve que j’ai été mis au courant de votre projet de monter la garde. J’aimerai que vous fassiez attention à ne pas faire de bêtises. Pas de violence Monsieur Ange-Etienne, pas de violence…Pour moi, il ne s’est encore pas passé grand-chose même si l’utilisation de plastic, c’est en soi assez grave. Le coup de l’antenne, c’est une atteinte aux biens. Mais, ça reste dans les limites. Maintenant s’il y a des coups ou même des menaces, ça change tout, vous me comprenez… »
Desagès marqua un temps de silence. Il était écouté avec une attention tellement soutenue qu’elle démontrait que son intervention était suivie en la forme et en la forme uniquement. Regarde, gendarme comme je t’écoute, avec les oreilles et les yeux grand ouverts. Parle toujours gendarme, dès que tu auras franchi le tournant, je ferai ce qui me chante. Voilà ce que lui disait sans parler l’homme qui lui faisait face.
« …Ecoutez…on m’a dit que des noms commençaient à circuler…je ne vais pas faire le tour du canton pour me couvrir de ridicule…dites moi, au moins en gros, qui je dois aller voir pour que ça s’arrête… » Pour en arriver là, le militaire devait vraiment avoir envie que cette histoire finisse.
« …Adjudant, des noms ici, il n’en circule pas. Ceux qui prétendent le contraire ont menti. Je n’ai pas d’idée. Aucune. Et si j’en avais une, je ne vous le dirai pas. Les affaires comme ça se règlent entre nous. Il n’y a pas besoin de la justice. On n’en a jamais eu besoin et ce n’est pas moi qui vais commencer à déblatérer avec les gendarmes… »
L’adjudant n’était pas surpris. Au moins, il aurait essayé. « …Bien sûr, ce n’est pas une affaire d’état… » .Il fit un bref salut et remonta dans la voiture avec son collègue. Fidèle à ses habitudes, Pekarski l’entreprit, aussitôt la vallée disparue vers l’arrière…
« …Franchement, je ne comprends rien. L’autre au téléphone, il nous a dit que tout les hommes du village pensaient au berger. Pourquoi, il nous dit rien, lui? C’est le premier intéressé tout de même…il se croit encore dans le milieu ou quoi… on ne balance pas… »
« …Pekarski…faites attention aux clichés. Ange-Etienne n’a jamais été dans le milieu. Un corse qui vit sur le continent n’est pas obligatoirement un fonctionnaire des douanes ou un maquereau. Quand il est parti, il s’est engagé aux chantiers navals de La Seyne, puis s’est installé à son compte et quand son oncle a commencé à aller mal, il a vendu son affaire de chaudronnerie industrielle et a repris le bar… c’est tout… »
« Mettons…alors pourquoi cette foutue loi du silence? On observe tout et tout le monde mais on dit rien. Si demain, il y a un drame et qu’il flanque un coup de fusil à un type grimpé sur son toit, on va parler de fatalité. Ce serait tout de même mieux qu’on intervienne avant… »
Tout en conduisant, Desagès rassemblait ses mots…il pinçait sa bouche et plissait les yeux …il voulait être convaincant… »…Vous avez raison. Mais, vous vous trouvez par les hasards de l’affectation, au beau milieu d’un département qui ne fonctionne pas suivant la logique des gendarmes …Il faut tenir compte de leur histoire…La Corse a toujours été rétive à l’autorité de l’état. Ils sont tellement attachés à leur liberté qu’ils sont capables de se nuire pour braver un interdit. Vous avez traversé Bastia? Bon, personne ne respecte les espaces de stationnement. Résultat, on ne circule plus. Mais, il n’empêche que les mêmes qui se plaignent des embouteillages sont ceux qui laisseront leur voiture en triple file pour aller prendre le journal ou saluer un ami. … »
Pekarski le regardait avec un certain étonnement. C’est un discours factieux disaient les yeux du gendarme. Sentant le trouble de son subordonné, Desagès reprit… »…Je ne dis pas que c’est bien, j’essaie de comprendre. Pendant des siècles, il y a eu des occupations successives et les différentes puissances qui se sont succédées ici, n’ont pas envoyé la crème des administrateurs. Face à une justice corrompue, les insulaires ont pris l’habitude de se méfier et de régler leurs affaires par eux même. Le problème, c’est que celui qui fait une connerie se sent protégé par ce principe. L’impunité en définitive, c’est bien pour les costauds et les méchants… »
PS.. le blog que vous parcourez, fait partie d’un site dédié à l’apprentissage de la langue corse. Si vous voulez le découvrir, cliquez sur l’image ci-dessous…